Aujourd'hui plus qu'hier et moins que
demain ? Notre conception du progrès est trop souvent enfermée
dans une linéarité fataliste temporelle, erreur de jugement par
faute de réflexion dont j'aimerais sortir, ou du moins montrer des
issues possibles. La question du progrès en effet relève autant de
la métaphysique, de l'éthique que de l'épistémologie. Peut-on
dire que l' « on n'arrête pas le progrès » ? Pour
répondre à cette question il serait bon de distinguer avancées
techniques et progrès.
L'activité
scientifique, la recherche est en pleine ébullition. C'est
indéniable, plus on cherche et plus on trouve. Les technologies
évoluent car nous faisons tout pour et rien ne semble nous en
empêcher. Une avancée technique
serait dans cette optique une découverte, une invention, une
amélioration d'un système, d'un produit, d'un matériau
indépendamment de son utilisation. Ceci qui est majoritairement
assimilé sous l'idée de progrès
n'a en soi aucune valeur morale. Effectivement nous avons à faire à
une activité cumulative de savoirs, connaissances, techniques,
technologies qui semble par ailleurs constituer la motivation
première des marchés, sans considérations tardives sur leur
utilisation : l'objectif est alors d'avancer, d'aller plus haut,
plus vite, plus loin. Cet idéal de performance est devenu une
évidence qui emmène avec elle l'idée naïve que tout ce qui est
nouveau est mieux. De cette induction élémentaire comment
argumenter ? Comment se dire que ce qui est mieux n'est pas
bien ? Hmm... c'est alors qu'entre en scène la notion de
valeur.
Comment
ne pas tomber dans les clichés rhétoriques qui se résumeraient
ainsi : « le mieux est l'ennemi du bien » ou
encore « il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises technologies,
mais l'utilisation qu'on en a » ? L'idée de progrès
n'est pas à ce point absolument morale. Il serait absurde de
remettre en question l'hypothèse selon laquelle est progrès
ce qui marque une avancée, l'acquisition d'une position sociale,
politique, et non pas seulement scientifique ou technologique plus
favorable à une situation précédente. C'est précisément cette
vision que nous devons adopter mais qui nous apparaît encore quelque
peu opaque. On ne refait pas l'histoire, le passé appartient au
passé mais on écrit l'avenir en chaque instant.
Condamner
des aspects de la société est souvent effrayant pour certaines
personnes. Cela signifie pour eux la perturbation de règles, de
repères qui apparaissent comme inébranlables. Pourquoi ? Parce
que ce sont des acquis de l'histoire, parfois datant de plusieurs
siècles, parfois de simples décennies. La logique simpliste
conservatrice considère certains changements comme un retour en
arrière. Mais... Nom de Zeus ! La machine à remonter le temps
n'existe pas encore, et sans évoquer les innombrables nœuds causaux
causés par un bond spatio-temporel, un retour en arrière n'est pas
possible. Qu'est-ce que cela veut-il bien dire ? Ne serais-je
pas en train de me contredire ? Dans cette logique, le progrès
n'est-il pas inévitable ? De sorte que tout changement serait,
par son implication causale et temporelle, inévitablement une
avancée ? C'est ici qu'intervient le caractère éthique qui
définit les critères d'évaluation d'amélioration ou non d'une
situation en vue d'un changement nécessaire ou pas.
Les
nouvelles technologies,
un progrès ? Sans trop vouloir titiller les esprits les plus
accrocs aux smartphones et autres tablettes intelligentes en tout
genre, avons-nous assez de recul pour en tirer des conclusions ?
Mon technoscepticisme (qui n'est pas de la technophobie) se
refuserait d'attribuer aux nouveaux écrans tactiles les compétences
(smart) qu'ils
revendiquent. L'influence psychologique des objets ancrés dans notre
quotidien nous porte facilement à croire que ce qui est innovant
constitue une nécessité. La compétition implicite nous pousse à
la performance dans laquelle cette nécessité se confond avec le
contingent, voire l'inutile.
Sortir
du nucléaire, un retour
en arrière ? Certainement pas, plutôt un bond vers l'avant.
C'est en acceptant l'idée que cette technologie est dépassée que
nous pourrons avancer dans l'histoire et véritablement marquer un
progrès. Ce mot n'est
pas un synonyme de complexification. Il ne suppose pas
l'accumulation. Simplement le changement pour l'amélioration. Ce
changement est possible car il existe des alternatives technologiques
mais pas seulement. Le progrès que
devra marquer le nucléaire est surtout social et politique et ne
peut se détacher d'un accompagnement fort de stratégies de
valorisation de modes de vies différents et moins énergivores.
La
libération animale,
un retour au néolithique ? Certainement pas, plutôt une
extension normale des luttes historiques qui ont fait de notre
société ce qu'elle est aujourd'hui. Dans les mêmes perspectives
que les luttes antiracistes, antisexistes, l'antispecisme est
l'avenir. C'est la suite logique de prise en considération des
intérêts individuels indépendamment de l'appartenance à une
caste, une classe, un genre, une nation ou une espèce. La véritable
évolution sera décisive quand la majorité de l'espèce humaine
cessera de continuer de se comporter comme un néandertalien en
prétendant être un homme moderne.
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