dimanche 1 avril 2012

Progrès et Nécessité

Aujourd'hui plus qu'hier et moins que demain ? Notre conception du progrès est trop souvent enfermée dans une linéarité fataliste temporelle, erreur de jugement par faute de réflexion dont j'aimerais sortir, ou du moins montrer des issues possibles. La question du progrès en effet relève autant de la métaphysique, de l'éthique que de l'épistémologie. Peut-on dire que l' « on n'arrête pas le progrès » ? Pour répondre à cette question il serait bon de distinguer avancées techniques et progrès.

L'activité scientifique, la recherche est en pleine ébullition. C'est indéniable, plus on cherche et plus on trouve. Les technologies évoluent car nous faisons tout pour et rien ne semble nous en empêcher. Une avancée technique serait dans cette optique une découverte, une invention, une amélioration d'un système, d'un produit, d'un matériau indépendamment de son utilisation. Ceci qui est majoritairement assimilé sous l'idée de progrès n'a en soi aucune valeur morale. Effectivement nous avons à faire à une activité cumulative de savoirs, connaissances, techniques, technologies qui semble par ailleurs constituer la motivation première des marchés, sans considérations tardives sur leur utilisation : l'objectif est alors d'avancer, d'aller plus haut, plus vite, plus loin. Cet idéal de performance est devenu une évidence qui emmène avec elle l'idée naïve que tout ce qui est nouveau est mieux. De cette induction élémentaire comment argumenter ? Comment se dire que ce qui est mieux n'est pas bien ? Hmm... c'est alors qu'entre en scène la notion de valeur.

Comment ne pas tomber dans les clichés rhétoriques qui se résumeraient ainsi : « le mieux est l'ennemi du bien » ou encore « il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises technologies, mais l'utilisation qu'on en a » ? L'idée de progrès n'est pas à ce point absolument morale. Il serait absurde de remettre en question l'hypothèse selon laquelle est progrès ce qui marque une avancée, l'acquisition d'une position sociale, politique, et non pas seulement scientifique ou technologique plus favorable à une situation précédente. C'est précisément cette vision que nous devons adopter mais qui nous apparaît encore quelque peu opaque. On ne refait pas l'histoire, le passé appartient au passé mais on écrit l'avenir en chaque instant.

Condamner des aspects de la société est souvent effrayant pour certaines personnes. Cela signifie pour eux la perturbation de règles, de repères qui apparaissent comme inébranlables. Pourquoi ? Parce que ce sont des acquis de l'histoire, parfois datant de plusieurs siècles, parfois de simples décennies. La logique simpliste conservatrice considère certains changements comme un retour en arrière. Mais... Nom de Zeus ! La machine à remonter le temps n'existe pas encore, et sans évoquer les innombrables nœuds causaux causés par un bond spatio-temporel, un retour en arrière n'est pas possible. Qu'est-ce que cela veut-il bien dire ? Ne serais-je pas en train de me contredire ? Dans cette logique, le progrès n'est-il pas inévitable ? De sorte que tout changement serait, par son implication causale et temporelle, inévitablement une avancée ? C'est ici qu'intervient le caractère éthique qui définit les critères d'évaluation d'amélioration ou non d'une situation en vue d'un changement nécessaire ou pas.

Les nouvelles technologies, un progrès ? Sans trop vouloir titiller les esprits les plus accrocs aux smartphones et autres tablettes intelligentes en tout genre, avons-nous assez de recul pour en tirer des conclusions ? Mon technoscepticisme (qui n'est pas de la technophobie) se refuserait d'attribuer aux nouveaux écrans tactiles les compétences (smart) qu'ils revendiquent. L'influence psychologique des objets ancrés dans notre quotidien nous porte facilement à croire que ce qui est innovant constitue une nécessité. La compétition implicite nous pousse à la performance dans laquelle cette nécessité se confond avec le contingent, voire l'inutile.

Sortir du nucléaire, un retour en arrière ? Certainement pas, plutôt un bond vers l'avant. C'est en acceptant l'idée que cette technologie est dépassée que nous pourrons avancer dans l'histoire et véritablement marquer un progrès. Ce mot n'est pas un synonyme de complexification. Il ne suppose pas l'accumulation. Simplement le changement pour l'amélioration. Ce changement est possible car il existe des alternatives technologiques mais pas seulement. Le progrès que devra marquer le nucléaire est surtout social et politique et ne peut se détacher d'un accompagnement fort de stratégies de valorisation de modes de vies différents et moins énergivores.

La libération animale, un retour au néolithique ? Certainement pas, plutôt une extension normale des luttes historiques qui ont fait de notre société ce qu'elle est aujourd'hui. Dans les mêmes perspectives que les luttes antiracistes, antisexistes, l'antispecisme est l'avenir. C'est la suite logique de prise en considération des intérêts individuels indépendamment de l'appartenance à une caste, une classe, un genre, une nation ou une espèce. La véritable évolution sera décisive quand la majorité de l'espèce humaine cessera de continuer de se comporter comme un néandertalien en prétendant être un homme moderne.

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