Alors que la Croix Rouge
annonce qu'elle se penche sur la violence dans les jeux vidéos les
nombreux gamers s'empressent de crier à la censure et au meurtre de
leurs droits démocratiques. Aucun ne comprend en quoi un « jeu »
pourrait-il être contre la convention de Genève étant donné le
caractère entièrement virtuel des actes commis et tous revendiquent
le droit d'être violent et de tuer, tant que cela reste dans le
« jeu ».
Jouer. S'éveiller.
Apprendre. Découvrir le monde. Si le jouet est le symbole de
l'enfance, de la naïveté qu'en est-il du jeu ? Le jouet est
l'objet et le jeu est la mise en situation. L'enfant apprend petit à
petit à reconnaître les formes, les couleurs, il apprend à se
déplacer et maîtrise l'espace et les objets. Par la découverte du
monde, l'enfant grandit et se construit, il se découvre lui-même.
Le jeu passe par les objets, les déguisements qui placent l'individu
dans des rôles. Ces rôles ne sont pas anodins, ce sont ceux dont il
fait l'expérience à travers les histoires qu'on lui raconte, les
films qu'il voit, les scènes quotidiennes auxquelles il assiste. Le
jeu de l'enfant est le jeu de l'acteur. Aujourd'hui avec la dimension
virtuelle et numérique des jeux, les possibilités de situations
sont multipliées à l'infini. C'est indéniable, les jeux vidéos
sont de plus en plus réalistes et de plus en plus violents. Comment
expliquer cet attrait de la violence dans les jeux vidéos ? Où
le jeu s'arrête-t-il ? Quelles sont les limites du réel et du
virtuel lorsque le jeu se rapproche dangereusement de la réalité ?
La mise en scène de monstres ou zombies crée-t-elle suffisamment de
recul pour le joueur ? Quelles sont les valeurs portées par ces
jeux ? La violence à l'écran est-elle la même entre le simple
spectateur et le joueur averti ?
Quelle réalité à
l'écran ? Le réalisme. L'image n'est pas réelle mais elle est
réaliste. Ce que signifie l'image que voit le joueur n'a jamais
existé mais il peut y croire et une situation similaire peut avoir
eu lieu. Seulement la fiction dépasse la réalité. Le réalisme
dépasse le réel. La violence s'installe dans les esprits et perd de
sa puissance, perd de son réalisme, il faut alors plus de sang, plus
de bruit, plus de choquant. Les conséquences d'une telle escalade
est la vulgarisation de la violence réelle. Plus les jeux sont
virtuellement violents et moins la violence est réellement violente.
Dans le jeu des enfants c'est eux qui posent le décor et font
évoluer les personnages. Le jeu de guerre n'est pas le même à
l'écran parce qu'il est imposé. La question qu'il faut se poser est
le rapport entretenu avec la « réalité virtuelle »
contre laquelle le joueur ne peut pas se protéger. Le rôle des
parents est alors primordial pour maintenir les individus trop jeunes
ou trop sensibles à l'écart de jeux trop violents. C'est
paradoxalement ce qui renforce le désir d'être un adulte, d'être
un homme en affrontant cette violence.
La violence au plus haut
point existe. C'est ce contre quoi se battent des ONG, des penseurs
et ce contre quoi la Croix Rouge veut lutter. Doit-on vraiment tout
savoir ? Veut-on connaître les côtés les plus sombres de
l'humanité ? Il semblerait que oui, au non de quelle raison ?
Le droit fondamental démocratique de savoir ? Certes et
ensuite ? Doit-on croire que l'homme est par nature violent,
dirigé par son instinct ? Nous pourrions voir dans la
simulation l'exutoire de cette dimension animale, au même titre que
le sport, l'alcool, le sexe ou la création artistique. A la seule
différence que cette énergie primitive est transformée dans les
activités sociales tandis qu'elle reste plus brute face à l'écran.
Nous ne sommes pas tous des tueurs en série frustrés qui cherchent
à affirmer leur virilité démesurée pourtant il y a dans les jeux
vidéos une dimension très masculine. Le défi, la compétition, la
victoire. Dans une société où nous sommes réduits à de simples
forces de travail il n'y a plus d'espace pour montrer nos valeurs,
les seuls interfaces avec le monde sont nos écrans. Quelles vertus
intellectuelles ? Le monde veut de l'idiotie, de l'absurde, du
trash. Les jeux vidéos sont la manière pour les joueurs de
s'affronter dans le monde entier et faire preuve de leurs capacités
à manier le fer par la souris.
Le jeu est dans la
nature de l'homme. Nous avons tous un rôle social. La violence
existe indéniablement. Peut-on encore appeler la simulation de
violence un « jeu » ? C'est l'espace dans lequel
nous pouvons transgresser les règles. Cloisonner cet espace
reviendrait à pousser les joueurs à transgresser d'autres règles.
Au delà de la violence pure et dure c'est le symbole de la justice
que représente les actions virtuelles. Agir sans conséquences, sans
entraves, sans contraintes en toute liberté d'une manière
immortelle. Le jeu qu'il soit calme ou violent pose les normes du
monde réel et c'est en cela qu'il doit être considéré avec la
plus grande attention.
Jeu, jouet et jeu ?
Jeu, jouet et jeu ?