samedi 30 juillet 2011

Téléphone

Le téléphone est à l'image de n'importe quelle autre technologie. Les prouesses techniques, électriques et électroniques, maintenant cybernétiques, j'en passe et des meilleurs, toutes celles-ci ont dans le but premier de nous assister, voire nous remplacer.
Ce qui me dérange principalement dans le téléphone portable n'est pas le simple fait d'être toujours joignable. Mais cette caractéristique aujourd'hui totalement répandue met la plupart des gens dans la position moderne d'une forme de spontanéité agaçante. Autrement dit les gens se permettent de prévenir dix minutes avant un rendez-vous qu'ils seront en retard, ou lorsqu'il faut organiser quelque chose la réponse la plus répandue est celle-ci : " - On s'appelle ! ".
Apogée de la procrastination, l'art de toujours tout remettre à plus tard. Avec le téléphone, tout le monde est connecté mais même si les conversations gagnent en quantité, elles perdent en qualité. A cause des SMS, l'orthographe et toute la langue française ont pris une grosse claque. On ne dit pas non plus les mêmes choses dans une lettre manuscrite ( oui, j'en écris encore ) que dans un mail ou un sms.
Avec les "smartphones" nous sommes sûrs de voir venir l'ère des "dumbpeople". Qui se rappelle ne serait-ce qu'une dizaine de numéros de téléphone ? Le téléphone qui sait tout nous ampute de certaines capacités intellectuelles ET sociales. Avant les gens demandaient leur chemin aux locaux, maintenant il y a le téléphone. Il calcule, il prend des notes, des photos, il indique le nord... tout ce qu'il fait c'est ce que l'homme ne fait plus.
Nous vivons dans une époque d'assistés. Quand les machines nous aident physiquement à produire des objets... l'homme est soulagé de certains efforts. Quand d'autres objets nous aident intellectuellement à mettre en relation des idées, établir des raisonnements, trier des données, observer, analyser... l'homme court à l'esclavage et nous débouchons sur les scénarios de Terminator ou Matrix.
Ne soyons pas extrémistes et technophobes mais sachons distinguer la véritable nécessité des téléphones portables en faisant en sorte d'y recourir seulement en cas de force majeure !

dimanche 24 juillet 2011

Idées sur le voyage - 1. De l'idée à l'envie

L'idée
Voyager n'est pas seulement se déplacer. Voyager n'est pas seulement partir. C'est un long processus qui se prépare. C'est un rêve qui émerge et se développe. L'idée de confrontation avec de nouvelles choses, l'idée de rencontres et de découverte ne peut se réduire à aller à l'autre bout du monde et vivre dans un cocon touristique affublé d'un vulgaire masque de folklore exotique. Il est nécessaire d'aller au delà d'une vision simpliste des beaux paysages de tel ou tel pays avec une fausse sympathie envers un peuple qui reste quand même très pauvre. Bien que chaque groupe d'individus qu'il soit à l'échelle régionale ou nationale s'inscrit dans un ensemble géographique de villes, campagnes, lieux naturels, monuments ou autres sites touristiques, ma définition du voyage serait aujourd'hui beaucoup plus portée sur la notion d'échanges culturels inter-individuels.

Le déclic
Que manque-t-il à notre vie quotidienne pour que nous ressentions ce besoin de plus en plus répandu de parcourir le monde ? Si nous aimons tant partir en vacances c'est que nous trouvons en elles des éléments qui nous sont nécessaires mais introuvables autrement. Tout voyage commence par ce besoin de partir, cette envie de changer d'air, le désir de découvrir d'autres décors, d'autres atmosphères. Partir est dire non à la banalité. Partir est rejeter la société pendant un moment. Dans une conception épurée bien sûr, puisque si nous quittons la nôtre c'est souvent pour en retrouver une identique à peu de choses près. Le déclic qui nous pousse à aller voir ailleurs c'est que sans savoir, nous supposons toujours que l'herbe est plus verte chez le voisin.

L'attente
A tout trajet précède une attente. Celle-ci est plus ou moins longue suivant la nature du déplacement. Nous multiplions tous ces instants durant lesquels on regarde l'heure. Les aiguilles de l'horloge de la gare tournent inlassablement tandis que le grand panneau des départs qui trône dans le hall d'entrée est fixé par des dizaines de paires d'yeux. Les bruits des moteurs des voitures qui passent nous interpellent et ce n'est pas, à chaque coup d’œil que je jette, le bus de la ligne 54 qui passe toutes les vingt minutes. Une attente presque extrême est devenue coutume dans les aéroports. Mais celle dont je veux vous parler maintenant est encore plus longue. Plus qu'une simple attente passive, la tête levée au ciel ou plongée dans le journal, la plus importante et la plus grande est la période de gestation du voyage. Comme n'importe quelle autre c'est un moment d'incertitude, un espace dans lequel rien n'est encore joué. Les dés sont dans la main, il faut les lancer. Dans ces moments, attendre c'est espérer, s'imaginer, rêver. De cette énergie qui est née on va en vivre. Pendant quelques mois, plusieurs années des fois. Avec le temps, une date se rapproche, un départ. Le rêve flou se précise et l'énergie grandissante nous excite et nous rend impatients.

à suivre...

jeudi 7 juillet 2011

Objets 1

Si les mois qui arrivent sont pour la plupart d'entre nous synonymes d'ensoleillement, de vacances et de repos nous nous préparons également pour l'année d'études ou de travail qui va suivre et les déménagements se multiplient. On voit sur les trottoirs des ensembles entiers de mobiliers entassés au mieux dans des autos trop petites qu'on reconnaît d'un simple coup d’œil, la lumière ne passant même plus à travers les vitres, sur les routes allant d'une ville à une autre.
Avant de partir, on aura pris soin de ranger, classer, trier les objets qu'on avait accumulés jusqu'à ce moment où il faut faire de l'ordre, de la place. On sort les cartons et pendant des heures chaque chose que l'on possède nous passe entre les mains, subissant pour certains le jugement final : " Cela vaut-il vraiment la peine que je garde ça ?". Se met en place alors inconsciemment tout un processus mental de réflexion sur nos objets. Suivant sa fonction, son ancienneté, son estimation de durée de vie, sa fréquence d'utilisation, son état, les souvenirs qui y sont attachés, ses liens avec un ou plusieurs autres objets, chacun est manipulé, observé et analysé pour l'épreuve du déménagement.
Les recalés finissent à la poubelle, à la déchetterie, et il n'est pas rare d'en voir abandonnés aux pieds des immeubles, attendant leur funeste destin. Par chance certains sont recueillis et trouvent dans d'autres foyers de nouvelles vies. Quel contraste ironique de savoir ces pièces vides et ces camions pleins. Sans rentrer dans des considérations économiques ou traitant de la valeur du travail, a-t-on vraiment besoin de gagner plus, d'avoir un super pouvoir d'achat, pour dépenser plus ? La question paraît très naïve, elle l'est. Mais les réponses méritent que l'on s'y intéresse.
Qu'il s'agisse de vêtements, de gadgets, de mobilier, les objets définissent un tas de choses. Ils sont représentatifs d'une époque, d'un style, d'un goût, suivant leur gamme d'usage et leur prix on peut même affirmer qu'ils représentent des classes sociales. Bon gré, mal gré, ils nous définissent. Avec obsolescence programmée on discute des goûts et des couleurs tous les deux mois, avec la vitesse de progression des technologies, notre société de consommation a réussit à créer un genre de frénésie qui nous poussent à toujours posséder le dernier gadget de peur d'être en retard sur son temps. Même les objets les plus simples, à la base purement fonctionnels, sont de plus en plus sujet à réflexion esthétique. Une simple poignée de porte chromée au design futuriste peut coûter aussi cher qu'un loyer d'appartement. Sans revenir aux chevaux et aux bougies, réfléchir sur la véritable origine d'un besoin/désir n'est jamais inutile. Je n'aurai pas de montre de luxe une fois arrivé à un certain âge, aurai-je pour autant raté ma vie ?
Qu'elle soit politique, sociologie, psychologie, philosophie, n'importe quelle science humaine traite de manière directe ou indirecte du rapport à l'autre. Au delà de leurs fonctions premières, de leurs réelles nécessités, les objets que nous possédons contribuent à établir les rapports à soi et aux autres. (L'économie est également basée dessus). Avec ceux-ci nous voulons montrer qui nous sommes. Nous avons besoin d'avoir ces repères qui témoignent de notre évolution, du temps qui passe, du labeur dont on retire le mérite. Nous avons besoin de nous créer, chez nous, notre univers. Les souvenirs, les cartes postales nous rappellent le passé. Ce qui a été accompli. Nous accumulons et entassons tout ce qui peut nous laisser croire que nous remplissons notre vie. Pour beaucoup, les objets constituent même des buts. Avoir une belle voiture, une maison. Tristes ambitions pathétiques quand elles ne restent qu'un horizon, parfois atteint sans même avoir profité du paysage. Être antimatérialiste ne signifie pas rejeter la possession. S'affranchir du besoin de posséder c'est accorder de l'importance d'une part à ce que l'on possède déjà sans y être aveuglement attaché, d'autre part et principalement, c'est profiter de tout ce qui n'est pas de manière évidente concret, physique, palpable. Même si ce que nous avons nous définit, ce n'est pas nécessaire, et encore moins suffisant. N'oublions pas que les choses sont éphémères, les situations aussi. Nous pouvons tout perdre du jour au lendemain. Que resterait-il alors ? Notre simple personne, authentique et véritable.

dimanche 3 juillet 2011

Tous philosophes - Lady Gaga

Dans son dernier tube "I was born this way" la philosophe Lady Gaga nous présente une vision assez pointue du déterminisme. Imprégnée d'une culture judéo-chrétienne de l'amour de son prochain elle prône cependant l'idée nietzschéenne du dépassement de l'homme quand elle clame : "We are all born superstars". Avec une assurance taoïste ou même stoïque elle n'hésite pas à rassurer ses fans que quelle que soit notre condition, c'est la seule et par conséquent la bonne : "I'm on the right track baby".
Affirmant l'existence d'un Dieu non seulement créateur mais perfectionniste, notre libre-arbitre cherche encore sa place. Ceci pourrait nous apparaître comme une forme de pessimisme mais bien qu'il n'y ait pas d'autre chemin "no other way" l'idée d'unité et de mélange et d'intégration entre les êtres humains, qu'importe l'origine ou la sexualité, ressort comme axe principal de son argumentation : nous sommes tous égaux.
Dans un texte musical court et rythmé elle met en avant le problème de la confiance et de l'amour-propre qui s'appuie sur une foi presque aveugle de Dieu. Seulement, sommes-nous vraiment déterminés quasiment génétiquement comme L. Gaga l'affirme ? Ces propos m'interrogent sur plusieurs points : le destin ne laissant plus de place au hasard est-il inévitable ? C'est la thèse qu'elle semble défendre. Ou bien est-ce une finalité en laquelle il est non seulement nécessaire de croire mais surtout pour laquelle il faut se battre sans quoi elle ne peut se réaliser ? Ensuite, il y a une analogie entre la couleur de peau et la sexualité comme génétiquement définies qui pose un problème d'éthique. Le petit Nicolas serait le premier à acquiescer ce qui est de toute évidence faux : notre ADN seul ne conditionne ni notre sexualité, ni une certaine propension à la violence ou au crime.
Derrière un refrain d'optimisme se cache des couplets de fatalisme qui mériteraient d'être revus. On s'en doute, L. Gaga cherche sûrement davantage à justifier son excentricité commerciale sous des airs de bonne catholique plutôt que nous révéler une véritable foi ou ne serait-ce une réflexion poussée sur la culture de l'autre.

Crise de foi

Derrière le menhir se cache la Vierge
contemplant le Golfe du Morbihan

Peut-on mêler politique, religion et émotion ? Inévitablement, ces trois aspects fondamentaux de l'organisation sociale de l'homme sont non seulement liés mais directement dépendants les uns aux autres. Au lendemain d'un pseudo débat sur la laïcité et dans une atmosphère mondiale toujours aussi marquée par la peur comme le souligne Dominique Moïsi dans La géopolitique de l'émotion, à qui ou à quoi pouvons-nous reprocher cette crainte de l'Autre, cette angoisse d'une menace qui arriverait de nos voisins méditerranéens fraîchement livrés à la démocratie.
Oubliez vos cours d'histoire qui datent du début du siècle, ceux qui nous apprenaient que l'Europe, les États-Unis et le Japon formaient le trio super puissant régnant en maître sur l'économie mondiale. N'allez pas croire non plus à cette idée outrageante d'une entité arabo-musulmane une et indivisible tout comme il est absurde de parler encore de "l'Occident" en assimilant deux cultures d'un bord à l'autre de l'Atlantique différentes en de nombreux points de vue. Mais maintenant que M. Bush est parti nous pouvons dépasser le stade des gentils et des méchants et de cette vision manichéenne d'un monde qui opposerait d'un côté la démocratie et de l'autre l'islam terroriste.
Ceci étant dit le problème qui nous concerne ici est ce que j'ai choisi d'appeler une crise de foi. Le capitalisme aurait-il comblé toutes nos espérances à tel point que nous ne puissions plus croire en quelque dieu que ce soit ? Ou serait-ce la quête du profit qui nous aurait détourné de toute spiritualité ? Les riches devenant de plus en plus riches n'ont plus besoin de fonder une croyance en un paradis qu'ils se trouvent déjà posséder et les plus pauvres, de plus en plus nombreux perdent la foi face à des gouvernements semblant les abandonner dans la misère, voir les y enfoncer pour mieux tenir debout le temps de la "crise économique".
Mais qu'elle soit financière, sociale, industrielle ou même écologique, la véritable crise est avant-tout émotionnelle, culturelle et humaine. La vérité qui défend cette idée est très simpliste et pourtant indéniable : nos peuples, nos partis, nos états, nos nations sont constitués de femmes et d'hommes plus ou moins sujets aux émotions. Ces émotions qu'il faut observer avec attention déterminent les directions que prend l'humanité tout entière. La foi, qu'elle soit religieuse ou non, découle de ces mêmes émotions. Parfois quand elle est puissante, née du désespoir et de l'humiliation, la conviction religieuse mène des peuples entiers jusqu'à la démocratie ou la mort.
La modernité, les progrès scientifiques et technologiques nous ont donné une certaine confiance en l'avenir. Cette confiance collective a cependant freiné les convictions personnelles de chacun. Comme dans un train qu'on ne saurait arrêter, la plupart d'entre nous se contente de regarder le paysage défiler sans se soucier de la destination finale. Ce qui nous fait peur est cette foi beaucoup plus forte chez nos frères et sœurs venus en France pratiquer leurs religions. Ce qui nous fait peur c'est cette identité beaucoup plus affirmée qu'ils n'ont pas honte d'afficher. Ce qui nous effraie aussi et nous angoisse c'est ce modèle démocratique pas si infaillible que ça que l'on se félicite implicitement d'avoir propagé à nos amis Tunisiens ou Égyptiens en sachant très bien que ce n'est pas non plus une solution miracle et directe. Ce que nous craignons c'est que cette force toujours aussi jeune, vive et dynamique qui vient d'ailleurs ne vienne donner un coup de pied dans une culture française quelque peu stagnante ou du moins toujours en quête d'identité.
Car le français moyen qui ne va plus à la messe n'est guère passionnant. Il travaille, il s'achète une voiture, une maison, part en vacances dans les îles et voit le monde à travers des reportages "chocs" dans lesquels il pense toucher à la réalité. Il voit des personnes de couleur débarquer et leur reproche alors le chômage, l'insécurité et le trou de la sécu. Mais malgré ses plaintes et ses reproches, quels sont ses véritables idéaux ? Il est beau le trio qui triomphe sur les frontons des écoles : Liberté, Égalité, Fraternité. Dans un état de droit on en oublie presque que la fraternité est plus un devoir moral.
De l'ignorance naît la peur de l'autre. Essayer de comprendre, s'intéresser est un premier pas qui est nécessaire sans être suffisant. Le mieux pour découvrir l'autre est sûrement de l'accueillir avec une véritable intention d'intégration, pas seulement économique comme main d’œuvre facile, mais surtout socialement par des prises de décisions en faveur de véritables échanges culturels.