dimanche 27 novembre 2011

L'animal - Du mythe à l'absurde

Le rapport que l'homme entretient avec l'animal tel qu'il est aujourd'hui n'est certainement pas le même que celui qu'il avait quelques siècles plus tôt, encore moins celui qu'il avait au début de son humanité. L'homme s'est fait homme en même temps qu'il a fait l'animal, deux concepts qui n'existeraient pas l'un sans l'autre. L'homme est ce qu'il est, un être pensant qui n'est justement pas une roche, une plante ou un animal. Et pourtant, dans une société qui semblerait vouloir faire de l'homme une catégorie à part entière, les personnifications, allégories, analogies et autres métaphores confèrent aux animaux autant d'humanité qu'elles attribuent une animalité aux hommes. L'image de l'animal à travers l'humain et l'humain à travers l'animal est précisément ce sur quoi nous pouvons remarquer qu'au fil des âges c'est une complémentarité que nous proposons d'approfondir.
De l’Égypte ancienne à l'Inde, par delà l'océan Atlantique dans la tradition amérindienne les divinités sont animales. Le serpent à plumes Quetzalcoatl, Ganesh à la tête d'éléphant, Anubis la tête de chacal. Le symbole animal est très fort quelque soit la société, la culture. Très souvent ce sont des formes anthropomorphes qui mêlent l'allure de l'homme avec le visage d'un animal. Le visage, la tête est pour autant la partie pensante de l'homme celle qui lui permet de voir, d'entendre, de goûter, de parler c'est donc le siège de la plupart de ses qualités qui sont censées faire de lui un homme, différent de l'animal et pourtant c'est cette partie qui est animale dans la symbolique divine ou mythologique. Nous retrouvons de nombreuses chimères, tels les centaures ou minotaures qui associent les qualités de l'homme avec celles de l'animal, avec l'idée de la réincarnation dans certaines croyances l'animal ne devient sacré que parce qu'il renferme potentiellement l'âme d'un humain.
Avec le christianisme le dieu prend le visage de l'homme et l'homme prend le pouvoir sur le règle animal, Noé se pose comme sauveur de l'humanité et de la terre entière, et la mission de l'homme est de garder le jardin et protéger les animaux. L'homme s'élève peu à peu, il s'émancipe et se place au dessus de tout, et si à la Renaissance, les fables de La Fontaine sont connues pour leur mise en scène d'animaux qui représentent le genre humain, c'est avant tout pour accentuer des vices moraux que l'homme ne peut envier à l'animal si bien que beaucoup d'expressions dérivent de cette analogie... et la confusion avec le genre animal se développe quand cela arrange l'humain, ce qui nous fait arriver aux fantasmes de certaines créatures imaginaires comme les vampires, les loups-garous montrent l'animalité d'hommes qui n'en sont plus vraiment, à la fois des surhommes et des sous-hommes.
Nous retrouvons toujours la même symbolique chez Walt Disney avec une visée pédagogique, ludique mais malheureusement naïve. Quelle vérité se cache derrière la dialectique homme et animal que nous vendent les studios hollywoodiens ? Toujours cette même seule vérité hypocrite du chasseur sans cœur ou du citadin pollueur ignorant. Ce n'est pas faux. Mais ce n'est qu'une infime partie de la réalité et cette gigantesque hypocrisie prend toute son ampleur avec la nauséabonde publicité que l'on nous matraque à tout va. Les bêtes sont mises en scène sous des traits humains pour nous vendre des produits pour lesquels ils sont dominés, exploités, torturés. Tout ce que le commercial a à faire est mettre le visage souriant de l'animal sur son produit et voilà le consommateur rassuré ! Ce qui est absurde est cette décrédibilisation du règne animal. D'abord on lui donne les traits de l'homme en les exagérant un maximum, ce qui le ridiculise. Et cette image abaissante marque les esprits dans lesquels se forge petit à petit l'idée contraire par laquelle toute ressemblance de l'animal à l'homme n'est que pure fiction, absurde et simplement distrayante. Voilà la triste image que l'humanité construit aujourd'hui : l'animal est un produit de consommation, un objet de distraction. Plus l'homme maîtrise et domine et plus il réalise son fantasme de Dieu, car c'est dans sa nature, le roi est mort, vive le roi. Empressons-nous de le tuer pour prendre sa place. Le pire dans tout ça ? La soif de pouvoir tellement immense que l'homme en oublie sa propre condition et ironiquement ne se considère lui-même non plus comme un humain mais avec le reste du vivant comme de simples outils nécessaires à son propre désir : des bêtes.

dimanche 20 novembre 2011

La mesure de l'homme


Qu'on écoute Protagoras ou Pythagore et bien d'autres, l'observation de l'homme et son monde et la tentative de compréhension de celui-ci s'appuie sur sa mesure. Les nombres si anodins soient-ils sont les outils que l'homme a inventé pour cela. Que serait la technique sans les mathématiques et la géométrie qui nous permet de tracer points, lignes, courbes, surfaces et volumes ? Bien que les origines du compagnonnage soient quelque fois mises en doute, les dates importent peu. La maîtrise du trait, du geste n'a pu se faire qu'avec la maîtrise des nombres et l'évolution des techniques de calculs et de tracés. Les nombres ont toujours fasciné l'homme parce qu'ils sont cette impression d'être à la fois dans toutes les choses, comme entités régulatrices alors qu'ils n'ont aucune réalité propre. Les nombres et leurs pouvoirs sont souvent associés au divin sans l'être forcément, la trinité qui peut se rapporter aux pères fondateurs du compagnonnage, les éléments (trois chez les celtiques, quatre chez les grecs, cinq chez les chinois...) le chiffre sept encore que nous retrouvons dans beaucoup de mythes et contes, et qui a son importance chez les compagnons. Sans oublier les deux chiffres indéfinis grecs π et φ qui servent à tracer des figures géométriques et définir les proportions idéales.
Si l'homme est à la mesure de toute chose comme le disait Protagoras les œuvres qu'il laisse à travers le temps sont la preuve qu'il est malgré ça sans cesse en recherche de proportions dans la beauté, et chercher à dépasser sa finitude par la réalisation d'ouvrages dépassant sa taille et dépassant son époque. Les gratte-ciels d'aujourd'hui sont les cathédrales d'antan, manifestants le désir d'aller toujours plus loin, plus haut. Les pyramides restent aujourd'hui encore un mystère de construction, mais les Égyptiens ne détiennent pas le monopole d'ingéniosité dans ce domaine, d’impressionnants temples de sépultures taillés à flanc des montagnes témoignent dans la cordillère des Andes de techniques tout aussi remarquables, sans parler des patrimoines amérindiens, ou des temples et édifices de l'Antiquité...
Le compagnonnage se revendique des bâtisseurs, et c'est évidemment sur toute cette tradition que nous avons évoquée qu'il repose. Bien sûr la forme que cette institution ouvrière a aujourd'hui est trop récente pour pouvoir affirmer exister ainsi depuis des millénaires, mais l'esprit lui est resté dans la lignée des hommes qui cherchent à faire les choses selon les règles de l'art, selon les proportions justes avec une certaine foi dans les règles, les nombres qui sont les seuls repères invariants au cours des siècles. Car si les formes changent, s’aplatissent, s'affinent, se courbent ou s'effacent sous une matière qui semble devenir de plus en plus artificielle, morne et morte, froide derrière des machines sans âme, ce qui ne peut changer est cet œil humain qui distingue les moindres erreurs de grandeur, de longueur, de couleur... Cela peut paraître naïf mais tant qu'un triangle restera un polygone à trois côtés et que 2 et 2 feront 4, n'en déplaise à M. Descartes, alors l'homme aura toute sa place dans le travail de la matière, l'artisan peut faire confiance aux nombres.

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Main et humain

jeudi 10 novembre 2011

Dis moi ce que tu manges...

...et je te dirai qui tu es. Dans nos sociétés occidentales, alors que nous avons la chance de subvenir à nos besoins, nous avons la fâcheuse tendance à ne pas en avoir conscience, nous oublions toute l'importance du fait même de se nourrir comme processus vital, en sublimant l'aspect hédoniste de la nourriture. Prendre du plaisir à se ravitailler n'a rien de mauvais en soi, mais c'est la nature altérée de celui-ci qui est dérangeante. Considérer des plaisirs comme des biens en soi est différent de considérer des biens et les plaisirs qui y sont liés. Nous pouvons apprécier un repas, mais nous devons apprécier le fait même de manger. Nous ne devons pas oublier que la vie, le mouvement est énergie. Nos corps sont des générateurs chimiques tournant aux dérivés de photons, délivrés par la lumière du Soleil et assimilés par le règne végétal. Le cycle de la vie est le cycle de l'alimentation, de l'échange d'énergie, de la co-dépendance des êtres qui nous place dans un ensemble vivant, la biosphère. Nos gesticulations périphériques quotidiennes ne sont que des fioritures qui embellissent ce que chacun cherche avant toute chose : continuer à vivre. Et si nous acceptons certaines choses pénibles qui peuvent être le travail pour certains, les multiples contraintes de la société pour d'autres, c'est parce que nous devons tous nous nourrir et nous dépendons plus ou moins tous des uns et des autres pour ça. C'est pour manger que l'homme s'est sédentarisé, si il s'est installé près de l'eau c'est notamment car l'eau permet à la vie, aux plantes de pousser, et aux animaux de les manger.
Tous nos actes ont des conséquences, si celui de manger est le plus banal, le plus vulgaire, le plus commun, le plus nécessaire, cela n'en fait pas pour autant un acte innocent. Le monde dans lequel nous vivons, la société de production à laquelle nous appartenons reposent sur nos habitudes de consommation. Aujourd'hui plus que jamais, manger est non seulement un acte économique, politique mais aussi éthique et quelque peu philosophique. Manger implique des choix de produits, qui favorisent ou non des types de productions, de distribution, des modèles économiques et leurs structures commerciales et sociétales s'y rapportant. Car manger c'est acheter des denrées alimentaires et donc financer le modèle que l'on souhaite soutenir. C'est par conséquent un acte écologique quand on sait que les transports, l'agriculture, une partie de l'industrie et des services en dépendent directement. Manger est enfin un acte éthique quand il exclut certains aliments pour des raisons diverses, des conditions de travail, d'exploitation ou fondamentalement dans la prise de position morale contre la domination animale dans le cas du végétalisme.

vendredi 4 novembre 2011

Nouveauté


Demain est un autre jour. Le temps passe. Nous évoluons. Ce que nous appelons les phénomènes de mode peuvent être superficiels mais reposent en réalité sur la question des questions, le problème existentiel de référence qui est celui de l'identité au sens profond du terme. Par la substance matérielle, chacun cherche à révéler son essence. Les objets nous définissent car nous définissons les objets. Ainsi par la création matérielle nous affirmons notre être. Malheureusement, notre société telle qu'elle est fait ne nous permet pas à tous d'être de purs créateurs, fabricants, artisans de nos espaces, de nos apparences. Dans le monde des échanges financiers, certains conçoivent pour les autres. Les autres ce sont en fait toujours nous, tout le monde, car tout le monde, ou plutôt personne, ne peut tout faire lui même. Alors la liberté qui nous reste pour nous affirmer réside dans le choix que l'on peut faire. L'homme d'aujourd'hui est libre (c'est ce qu'il croit) dans le choix de sa voiture, de la couleur de la carrosserie, de la texture de son intérieur, des options, du financement, des extensions de garantie... et l'homme d'aujourd'hui est libre (c'est ce qu'il croit) parce qu'il change de voiture, d'habits, de four à micro-ondes... De toute évidence il invoque la vétusté des objets, leurs dysfonctionnements entêté d'acquérir ce qu'il y a de mieux. Le mieux c'est surtout le neuf, le nouveau, ce qui n'existait pas avant. Le mieux est censé être quelque chose de bien, mais en mieux. Sans considérations d'ordre moral, le bien suppose répondre à une exigence, une attente, une contrainte mais la plupart du temps c'est l'objet lui-même qui crée le besoin et la seule exigence du consommateur est la nouveauté.
Le besoin de nouveau répond au vide de nos vies. Il répond à l'angoisse d'une existence monotone. Car pour que vivre ne soit pas simplement survivre, vivre doit signifier évoluer, changer et non pas stagner et pourrir. De ce fait, la soif de nouveauté accélère l'homme (et la femme) dans le futur, dans le futurisme même. Jaloux des objets qui tiennent le coup plus que lui-même, tout ce qui rappelle le passé finit par être dépassé, dépecé et déposé sur le trottoir. Changer de vêtements en fonction des saisons c'est prendre sa place dans le temps qui passe, et prendre ses marques (dans tous les sens du terme) dans une identité sociale (ceci est une autre question). Le shopping est un véritable rituel psychologique, quasiment ontologique ? Le cartésianisme est dépassé, si je suis ce n'est plus parce que je pense, mais parce que je dépense. Alors oui, nous avons besoin des objets pour vivre, chacun a son utilité mais combien de babioles, de gadgets, d'accessoires aussi futiles qu'utiles s'amassent dans nos demeures après n'avoir servi qu'une poignée de fois au mieux ?
L'on veut nous faire croire qu'il faut avoir pour être mais cela n'a rien à voir. La nouveauté, la vraie, la pure, la dure ne se trouve pas dans l'acquisition compulsive mais dans la création, l'originalité, celle qui s'émancipe des règles, des normes, des lois et s'affirme d'elle-même.
L'énorme ironie dans tout ça c'est que la nouveauté est devenue à telle point banale qu'elle paraît évidente et nous semblons implicitement affirmer une évolution, une amélioration, un progrès scientifique, technologique, artistique indépendante comme une vérité en soi en oubliant que rien n'est jamais acquis et que tout reste à créer. Les découvertes, les avancées, les progressions ne tombent pas du ciel, si elles s'appuient évidemment sur nos acquis elles demandent et demanderont encore des quantités d'énergie, d'idées, d'hommes et de femmes pour naître et constituer les futures nouveautés, les véritables inventions.

mercredi 2 novembre 2011

Un sens à la musique ? - 1


Qu'est-ce que la musique ? En quoi a-t-elle du sens ? Ce qui nous intéresse ici et dans les articles suivants est de s'interroger sur sa signification en tant qu'objet artistique particulier personnel, conventionnel et identitaire.

1. La musique en tant que pure sensation animale

Si nous reprochons parfois à l'art d'être trop intellectuel, incompréhensible, réservé à une élite, la musique paraît être partagée sous ses différentes formes par tous, les animaux y compris. Ne serait-ce pas la forme d'expression la plus primitive, la plus physique, la plus brute, la plus animale comme la résonance de notre intérieur ? Le rythme est en chacun de nous. Les muscles de notre cœur le font battre continuellement faisant affluer le sang qui traverse chacun de nos organes, en collaboration avec nos poumons qui se remplissent et se vident d'air. Notre pouls est à la mesure des œuvres musicales, allant d'une soixante à deux-cent-quarante pulsations par minute. Si le tempo se rapporte à l'effort, à la vitesse, la musique nous rappelle simplement en chaque instant notre existence à travers le temps. En réduisant la musique au rythme (bien qu'elle ne soit pas que ça) elle porte une fonction importante de matérialisation du temps qui passe. Le tic-tac d'une horloge ou d'un métronome est déjà en soi de la musique, dans cette approche où les sons ne sont plus de simples bruits désordonnés, sans progression ou place dans le temps autres que leur manifestation propre mais par leur juxtaposition, répétition, similitude, ils investissent la durée tout en la découpant. De ce fait, par sa déconstruction les sons rythmiques rendent manifestent une chose, le temps, qu'on ne peut percevoir de cette manière autrement. Malgré cette hypothèse nous savons que ni la musique, ni la perception temporelle ne peuvent se réduire au rythme. Les recherches scientifiques notamment en neurologie nous ont permis d'approfondir un lien étonnant entre la perception du temps et de l'espace. Nous savions déjà que certains animaux tels les dauphins ou les chauve-souris se repéraient et se déplaçaient grâce à leur perception extrêmement affinée d'ondes sonores. Nous savions également que ce que nous appelons l'oreille interne nous sert à nous maintenir en équilibre, et que c'est à elle que nous devons en partie les maux de mer. L'université d'Otago a démontré par expériences sur des sujets atteints d'amusie, d'agnosie musicale qu'ils présentaient des troubles de localisation. Une autre étude a montré comment la pratique musicale favorisait la relation entre les deux hémisphères du cerveau ainsi que la coordination des membres, ou la capacité à se représenter les formes dans l'espace. Le son qui forme la musique est un déplacement rapide d'air, la perception par notre oreille se fait par sensibilité des différentes fréquences, vitesses donc auxquelles se meuvent les particules d'air. Notre propos ici n'est pas de présenter le fonctionnement de l'oreille humaine mais nous devons comprendre que la musique est bien un phénomène physique, et en tant que tel il affecte notre corps directement (ou par le moyen du cervelet) en agissant sur la sensation qui peut être agréable ou douloureuse. Ainsi certaines fréquences trop aigües, le crissement d'une craie sur un tableau par exemple, seront insupportables. En essayant de réfléchir au sens sensible de la musique nous voyons donc bien en quoi elle s'adresse avant-tout à notre corps plutôt qu'à notre esprit. Si nous constatons que la musique est animale, nous nous doutons bien que les sensations brutes qu'elle peut procurer ne suffisent pas à la décrire. Si la musique est une expérience sensible plus complexe, c'est qu'elle crée ou rappelle des émotions.






"La musique émotion" à suivre...

mardi 1 novembre 2011

Poétique de la lettre

Si nous n'avons pas de Q c'est que C dans l'R du temps mais la question demeure : comment mettre les poings sur les I ? Faut-il prendre des gants au pied de la lettre ? A première vue elle ne paraît pas vivante, vide de sens, sans idée. Pure forme, ligne, courbe, point, espace figés. Elle n'a certes pas l'âme d'un idéogramme ou la dynamique d'un caractère arabe ou hindi mais la lettre romane n'est pas dépourvue d'une certaine poésie, d'une mystique.
Notre alphabet latin issu du grec est lui même issu du phénicien et les formes qui nous sont parvenues aujourd'hui sont inspirées de la nature. Chacune suit un mouvement, une direction qu'elle soit inscrite dans une verticalité, dépassant l’œil de part et d'autre ou bien plus fermée, tassée obligeant les brèves courbes à se replier sur elles-mêmes.
Chaque lettre possède sa forme, son mouvement propre qui n'est défini que par opposition aux autres, c'est ce qui lui permet d'être libre et matière à création à travers la calligraphie, la typographie ou sa forme urbaine dans les graffitis. Ainsi par exemple le O n'est pas une forme figée mais une norme, un ensemble de contraintes qui englobe une multitude de graphies : il peut être un cercle comme une ellipse, un disque ou même un point mais bien plus : dans l'écriture manuscrite on le retrouve avec une petite queue, sur un cadran digital il peut être carré et discontinu, il peut même à l'extrême disparaître derrière une forme, un symbole tel un visage, un soleil ou toute autre forme qui pourrait saisir l'essence de la lettre.
Cette liberté est primordiale et nous permet de déchiffrer les écritures manuelles propres à chacun. Pouvoir comprendre la psychologie d'un sujet à travers sa plume, comme nous l'évoquions plus tôt pour la calligraphie chinoise (voir article relatif), jusqu'à un certain point il est clair que chacun s'approprie les normes d'écriture et l'espace, les limites qu'offrent celles-ci dans l'interprétation des codes. L'écriture manuscrite n'est pas de la calligraphie, elle ne cherche pas l'idéal esthétique d'une lettre, une telle réflexion n'est pas engagée dans l'écriture quasiment mécanique de la main tenant un simple crayon. Au fond la simple écriture manuscrite consiste en la recherche et l'application des critères minimums assurant la discrimination des lettres les unes par rapport aux autres.
Si elle trouve toute sa liberté dans l'écriture manuscrite, la lettre est largement exploité comme symbole, portant les couleurs d'une marque, d'une institution, d'une idée. Dans les sciences, mathématiques ou physiques, la lettre peut porter à elle seule la quantité d'énergie électrique, la valeur d'un nombre définie ou non, par convention métaphorique nous accordons beaucoup de valeur à ce qui est à la base, élémentaire ! Nous retrouvons le « S » ou le « Z » bien connus comme signatures de nos héros et le « M » indique aussi bien le chanteur français, le métro comme la chaîne de restauration rapide américaine, selon des formes et couleurs différentes.
Si les lettres s'effacent généralement derrière les mots elles peuvent aussi bien les dépasser. Des acronymes fleurissantes aux gentilles charades en passant par l'affreux langage SMS (ironie du propos) les lettres s'émancipent de jour en jour.