lundi 23 avril 2012

Chroniques du chaos : urbanisme


Urbanisme : la nature incontrôlée


La nature et la ville semblent opposées alors qu'elles ne sont, d'un point de vue structurel, que l'inverse l'une de l'autre. Là où semble régner l'ordre et la beauté, les apparences cachent le véritable chaos. Là où le désordre semble la règle principale d'une organisation imperméable, l'essence même du chaos s'exprime en tant que capacité d'autogestion. Comprendre cette nuance entre l'organisation de la ville et de la nature c'est un peu mieux appréhender la véritable nature du chaos. Ce chaos qu'il faut défendre n'est pas un chaos destructeur ou créateur de mal tel qu'il est négativement présenté. Le chaos est anarchie au sens étymologique : l'absence d'organisation verticale. L'absence de force créatrice supérieure mais l'harmonie intrinsèque de la matière, de la vie. C'est la capacité d'autogestion propre à tout ce qui est.

La campagne est-elle l'ébauche d'un projet social qui trouverait son aboutissement dans la ville ? Le village n'est-il qu'une petite ville ? Du rural à l'urbain où placer la limite ? Existe-elle ? Est-elle dépassable ou déjà dépassée ? La vie organisée en cité, en ville, en polis a donné lieu à la politique. L'organisation de la société s'appuie sur l'appropriation du terrain, du lieu, de l'espace. Ces espaces que constituent ce que nous appelons aujourd'hui « espaces publiques » sont le fruit de l'histoire de peuples ayant vécu d'échanges économiques et sociaux. Ironie du sort et de la langue française, l'espace publique n'est pas privé mais sert pourtant les intérêts des agences de publicité qui ne s'en privent pas ! Quelle ville voulons-nous ? Polarisation des échanges sociaux, génératrice de solidarité ? La ville est un projet continu qui doit se nourrir des citoyens, des citadins.

La ville est le croisement des biens, des idées, des personnes, des solutions et des problèmes. Concentration et explosion des impacts écologiques individuels la ville est la raison d'innovations technologiques, logistiques dans les domaines des transports, du logement, de l'énergie. Toutes ces prouesses tendent vers un seul but, louable, le contrôle. Si l'homme ne peut contrôler les intempéries il peut stocker l'eau de pluie, s'il ne peut faire face aux crues il crée un canal. La ville est indéniablement essentiellement politique. Elle est à la fois la mutualisation des pouvoirs, des efforts, des envies, des désirs de tous comme elle crée les écarts, les problèmes, les tensions.

Comment s'organise la ville ? Autour d'un point qui grossit, prend du volume et à force de croître se divise. La somme des parties arrive-t-elle à former un tout autrement qu'administrativement ? Les quartiers font-ils vraiment partie de la ville ? Comment créer l'unité d'un tout urbain qui soit véritablement englobante ? Le risque est commun de tomber dans l'idée d'une amélioration autour d'un point qui grossit, prend du volume et à force de croître se divise.

La ville évolue avec le temps et reflète son histoire propre. Aujourd'hui que veulent dire les grandes structures transparentes ? L'apparente naïve fragilité n'est qu'un leurre à une solide opacité. Les grands axes orthogonaux censés symboliser la simplicité de mouvement et la liberté ne font que cacher l'imposition d'un modèle terne de paysage urbain monotone, stéréotypé. Les espaces verts ne font que figurer, la ville n'est plus à l'image de la société que nous désirons, elle n'est plus que l'image sans profondeur d'un mensonge clinquant. La ville tente de représenter la nature, mais la nature n'est pas présente.

Si la ville est un lieu, un espace, une architecture, un patrimoine urbain et historique c'est aussi une population, un peuple, des gens, une culture, des traditions. Les citadins, citoyens font la ville et sont la ville. Leurs activités, comportements, envies, choix déterminent (dans l'idéal) l'évolution de ce qui doit constituer une fierté. Chaque ville a son atmosphère, son ambiance chaleureuse, accueillante, ouverte ou au contraire froide ou fermée. Malgré cette ancrage et cette dépendance à la population locale, les décisions nationales transforment notre quotidien petit à petit. Le contrôle de la ville n'est plus destiné face à la nature mais face à la population. Le point de convergence se transforme alors en nœud de divergence. Jusqu'où l'homme est-il capable de vivre en promiscuité ? Le comportement de l'homme change-t-il la ville ou bien est-ce la ville qui change l'homme ? La ville se construit de plus en plus comme un idéal humaniste utopique parfois trop illusoirement. On voudrait changer l'image sans toucher à l'objet même qui est le système. D'une manière plus optimiste mais tout aussi naïve on pense que le changement de forme a un impact sur le fond.
Mais au fond, la véritable nature est en chacun de nous, elle est le cœur même de la population et en elle s'inscrit toute la difficulté d'organisation que n'arrive pas encore à surmonter la politique. L'histoire de l'art nous apprend savamment que l'architecture est le reflet de son époque et au-delà d'une histoire de l'esthétique et des techniques c'est une histoire de l'image sociale dont il est question. Cette histoire nous montre depuis que l'homme existe qu'il ne cesse d'évoluer dans une dialectique perpétuelle l'opposant à lui-même, dans une dimension temporelle entre les échecs du passé et les espoirs et revendications de l'avenir.

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