mercredi 19 octobre 2011

De la calligraphie chinoise - 中国书法

La culture chinoise si particulière pour nous, occidentaux, l'est en de nombreux points. Un des premiers est la langue qu'elle soit parlée ou écrite. La particularité des caractères chinois (et des langues de la même famille) réside dans le système de représentation des concepts et idées qui sont directement représentées dans leurs formes écrites, totalement indépendantes du système de phonétique qui s'y rattache. Plus qu'un point anecdotique c'est véritablement là que réside toute la richesse de la langue de Lao Zi et de Kong Fu Zi (Confucius). Notre manière de penser, de voir, de concevoir si elle dépend au plus de notre manière de parler et d'écrire, au moins elle en est largement influencée. Apprendre le chinois (comme la plupart des langues par ailleurs) ne se résume pas simplement à l'apprentissage d'un système phonétique, graphique, d'une syntaxe et d'un vocabulaire mais il s'agit de s'approprier une logique, une vision, un rapport aux choses différents des nôtres et si une fois encore cela peut en faire la difficulté c'est aussi et surtout là tout l'intérêt...
Les idéogrammes sont donc des dessins, autrefois plus explicites, aujourd'hui stylisés qui sont formés de d'éléments, représentations symboliques de base qui suivant leurs combinaisons signifient telle idée ou tel concept. Il n'existe pas de lettres ni d'alphabet mais pour écrire les milliers de caractères dont cette langue est constituée, le chinois n'utilise que quelques points et traits élémentaires dans leur principe mais sur lesquels repose tout l'art et la difficulté de la calligraphie chinoise.
Des pictogrammes rupestres bruts, lourds qui figuraient le monde tel qu'il apparaissait, la langue chinoise s'est construite en associant des images, des concepts, des notions, des idées pour former les idéogrammes dont les lignes de plus en plus épurées, douces et rapides ont fini par former après de siècles les caractères utilisés aujourd'hui. Toutefois il serait faux de négliger la phonétique dans un système de communication tonal qui accorde énormément d'importance à la musicalité de la langue. Les sons ne sont pas directement transcrits par les idéo/phonogrammes mais sont fortement associés, à tel point que la chauve-souris traduite par le caractère est un porte bonheur car les deux caractères se prononcent de la même manière « fu ».
La calligraphie n'est pas le simple art d'écrire des mots avec une certaine qualité esthétique. C'est l'invocation de tous nos sens, de tout notre corps dans un mouvement, dans une dynamique particulière. Le pinceau du calligraphe ne se contente pas de transposer un langage, il développe un langage second, à travers la langue. De la même manière que nos gestes, nos expressions du visage peuvent trahir sinon traduire une intention, un désir caché, une attitude, le calligraphe apprend à lire et écrire au delà des mots, dans les formes, les lignes, l'espace de la feuille de papier. Dans le film Hero de Zhang Yimou, l'image poétique du guerrier trahi par son écriture n'est pas absurde, elle démontre de la véritable appropriation de l'art par l'artiste, car il s'agit bien de cela. L'artiste calligraphe qui se maîtrise, maîtrise son esprit puis son corps, sa main et son pinceau nous présente dans chaque œuvre sa vision du mot, du caractère. Il interprète véritablement l'idée qu'il développe en lui donnant de la force ou de la douceur, de la prestance ou de la légèreté en même temps que ses coups transmettent ses humeurs, ainsi il peut très bien écrire le caractère « force » avec beaucoup de douceur, dévoilant un aspect presque caché, mystique d'une idée mise à nue.
La calligraphie est souvent associée à la poésie, en effet comme nous venons de le voir ces deux disciplines s'appliquent à mettre en perspective les visions du monde qui pourraient n'être évidentes de prime abord, elle traite de symboles, c'est à dire que le sens dépasse l'image. L'apprentissage de la calligraphie est une longue entreprise personnelle qui repose sur de la discipline et de la patience et à mesure que l'artiste découvre la magie des mots il se découvre lui-même, par la technique qui ne se résume pas seulement à la tenue du pinceau mais aussi à la position du corps, à la respiration ; par la rigueur dans l'utilisation du matériel, la préparation de l'encre et l'organisation d'une séance qui s'apparente à un rituel. L'art du « trait » plus que l'art des mots est alors plus qu'une simple activité divertissante c'est une philosophie, une manière d'aborder le monde, l'existence qui peut s'inscrire dans la tradition taoïste ou confucianiste, dans tous les cas c'est un véritable reflet de la pensée chinoise.

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