mercredi 17 octobre 2012

Transparence architecturale et Opacité politique

La discipline qui traite de l'histoire de l'art ne me fascine pas tant pour l'évolution des styles en tant que simples objets esthétiques mais plutôt de celle des idées. Il est impensable de concevoir une simple évolution à travers le temps comme des idées indépendantes des contextes sociaux et politiques dans lesquelles elles étaient inscrites. L'architecture et un art, une forme d'expression. Ce sont des symptômes de la société. Ils révèlent bien malgré eux les époques et laissent des traces d'une humanité qui ne cesse de changer.
Les grands mouvements artistiques cherchent toujours la rupture avec le passé, la mise en œuvre d'une originalité. Quand celle-ci semble s'épuiser on revient irrémédiablement aux origines, aux sources. Et la boucle se referme avant de commencer un autre cycle. Le mobilier Louis XIV se remarque par l'expression exagérée d'une certaine puissance qui se fera plus discrète chez son successeur. L’œuvre est toujours l'expression consciente ou inconsciente de l'artiste ou de l'artisan. L'objet comme œuvre est souvent manifestation, tentative de démonstration d'une certaine puissance, celle-ci étant effective ou non. Les exemples ne manquent pas pour illustrer ce qui peut s'apparenter parfois à une compensation de complexe.

De la même manière notre société moderne cherche à afficher ce vers quoi elle voudrait nous faire croire qu'elle tend. Ainsi fleurissent de nombreuses façades vitrées à tous nos coins de rues. Montrer pour mieux dissimuler, faire voir qu'il n'y a rien à cacher. Les immeubles sont le produit de leur temps. Nous sommes dans l'ère de l'information et tout doit se savoir. Mais montrer patte blanche ne suffit pas. L'arbre ne peut cacher la forêt.

La technique de l'illusion n'est pas un sort divin au sens d'une magie qui dépasserait notre connaissance. Elle est technique dans le sens de prestidigitation. Faire du mouvement, de la couleur, impressionner pour mieux dissimuler le tour de passe-passe. Car si ce qui apparaît, ce qui est visible, ce qui est au premier plan est ce qui marque, ce qui persiste dans la mémoire et ce que l'on retient, une façade végétale n'est toujours qu'une façade. Une prison avec des équipements extérieurs à profusion restera toujours une prison. Un immeuble de banque ou d'assurance aura beau essayer de manifester de la plus grande transparence, il ne cessera jamais de se rapporter à l'hypocrite sourire du banquier qui est gentil dans le seul but de nous nuire (ce qui constitue un bien pour lui).

Comment voir notre architecture moderne ? Une apparente transparence qui cache une opacité ? Une apparente force qui comble une fragilité ? Une apparente conscience écologique qui masque une hypocrisie incommensurable vis-à-vis de la planète ? Si notre architecture reflète notre époque, que nous devons-nous lire à travers tous ces immeubles ? Quel message ces blocs de béton et de verre portent-ils ? Quelle trace, quelle image allons-nous laisser ? Ne voit-on pas dans tous ces projets gigantesques le simple reflet d'une vanité trop éternelle ? L'homme dans sa quête d'immortalité fait face à sa finitude et en croyant créer quelque chose de durable, de concret, ne fait que détruire et emporter ce qui reste de naturel dans le fond de son sillon.



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