Peut-on être végétarien et machiste ? Peut-on être féministe et spéciste ? Peut-on être végétarien et raciste ? Nous serions trop naïfs de croire qu'un lien de nécessité attache toutes ces pratiques au point de les rendre indissociables. Pourtant quand il s'agit de mettre à bas les formes et les structures de la domination, il n'est pas absurde d'envisager qu'un même mécanisme puisse favoriser plusieurs formes d'assujettissement.
Ainsi, bien que la consommation de viande ne soit
pas réservée à l'homme, ceux qui ont des couilles, il est évident
de constater l'effet qu'un bout de viande produit sur la virilité
d'un mâle. Le mâle dominant dans une meute est celui qui a le
privilège de manger avant les autres, celui qui a le plus de force,
le droit ensuite de monter les femelles. Telle est l'image du mâle
que cherche à se donner celui qui se revendique comme un viandard,
un carnivore, un bouffeur de barbaque. Car la domination masculine ne
peut se justifier que par la force (si les hommes étaient plus
intelligents, ça se saurait...) c'est à travers la consommation de
viande que se manifeste sa nature animale, brutale, violente.
Allez dire que vous êtes
végétarien sur un chantier dans le bâtiment, dans un stade de
foot. Les remarques moqueuses ne manqueront pas et les premières
feront rapidement l'analogie entre une pratique alimentaire et la
faiblesse d'esprit, un manque de courage, un trop plein de
sensibilité qui est également reproché aux femmes. L'analogie
rapproche alors le végétarien de la femme dans sa position face au
mâle dominant, mangeur de viande, viril, courageux, insensible. Mon
propos n'est évidemment pas de dire qu'un végétarien subit les
mêmes discriminations, inégalités, violences que celles
qu'endurent les femmes. Combien y a-t-il de végétariens et combien
de végétariennes ? Combien d'animaux sont mangés par des
hommes et combien le sont par des femmes ? Peut-on encore faire
l'hypothèse de prédispositions génétiques, d'hormones ou je ne
sais quel mécanisme physiologique ou bien peut-on envisager une
certaine relation qui ferait s'exprimer la volonté d'affirmer sa
virilité dans la consommation de viande ? (Les Français
consomment un tiers de viande en plus que les Françaises et les
Allemands deux fois plus que les Allemandes*).
La lutte pour la défense
de droits d'un groupe se justifie par le statut de minorité qui
découle des discriminations conscientes ou inconscientes d'une
majorité. C'est pourtant une majorité de force plus que de nombre,
les femmes sont plus nombreuses que les hommes mais plus contraintes.
L'antispécisme concerne les milliards d'animaux abattus chaque année
pour nourrir une population privilégiée d'êtres vivants, humains,
usant d'un contrôle par la force.
Le végétarisme éthique
qui trouve son entière logique dans la pratique végétalienne est
donc la volonté d'anéantissement des rapports de domination de
l'homme sur l'animal, rapports analogues au patriarcat dans une
justification du pouvoir au nom d'une force, d'une supériorité
intellectuelle, d'une qualité naturelle unique en son genre (humain
et masculin). Bien entendu, la lutte féministe ne peut se réduire à
la lutte antispéciste. L'exigence d'égalité réelle entre les
hommes et les femmes peut se justifier sur le plan de la même
espèce, en plaçant celle-ci au dessus des autres. Les critères qui
fondent le féminisme ne peuvent se transposer immédiatement à
l'anti-spécisme. Simplement, si on s'en remet aux fondements
développés jusqu'ici, à savoir cette nécessité de détruire la
domination entre les individus, qu'ils appartiennent à une espèce,
une race, un genre ou non, on comprend quelle logique tient
l'ensemble de ces luttes sociales et politiques ; d'autant quand
c'est un même système qui a engendré ces distinctions.
*Sources et liens: