samedi 3 juillet 2010

LE TEMPS - Introduction poétique

Je suis le temps.
Acteur, manipulateur, tentateur.
Je suis cette dimension insaisissable mais omniprésente qui transforme les formes du monde et ses beautés pour les saboter et les rendre immondes.
J'ai tous les visages et toutes les couleurs, j'ai tous les sons et tous les parfums.
Je suis l'instant, le temps « 1 » puis la seconde. Principale ou secondaire, l'unité de temps ne sert qu'à donner une idée. Je suis le tic-tac, tactique, stratégique, tactile ou statique. J'attaque, je taquine. Vous croyez m'attraper mais vous vous trompez. Comme son nom l'indique, la montre ne fait que me montrer. Comme je vous l'ai dit, je suis insaisissable. Je suis le moment, la minute. Je suis le mouvement et l'immobilité, sans moi ni l'un ni l'autre ne pourraient exister. Je suis l'heure et c'est de l'or car je suis de l'argent. Je me loge dans l'horloge. Mais je suis autant un leurre.
Mon masque quotidien est celui du soleil, porté par Chronos je rythme les semaines.
Mais je suis également le voile de Morphée, l'étendue infinie où s'étalent vos rêves.
Je suis le jour, je suis la nuit en étant ni l'un ni l'autre.
Je suis le pouls, la vie.
Je suis de mois en mois toujours moi, je suis aussi le moisi sans l'avoir choisi. Je suis la mort.
Avec moi vous vous sentez condamnés d'années en années, en me regardant passer.
Pas assez prêts à trépasser mais trop près et trop pressés, stressés et oppressés.
Décennies après décennies des nouveaux nés j'en fais des aînés et des séniles.
Je suis siècles et millénaires dans l'espace je suis l'année lumière.
Je suis le rythme, la musique.
Je suis l'évolution, l'accomplissement. Je suis le temps.
Vous ne me voyez pas mais vous me regardez.
Je suis les ficelles du pantin qui danse.
Je fais poussez la vie, je vous ai fait parler. Je vous ai fait grandir, souffrir, rire et pleurer.
On dit de moi que j'efface les souvenirs mais mon pouvoir ne peut guérir les blessures.
Je peux parfois soulager la rancœur mais je nourris aveuglement bien souvent l'amertume.
Car votre grand problème à vous, c'est que vos petits yeux ne voient guère que mon ombre.
Une ombre pesante, oppressante, imposante qui modestement se nomme le Passé et qui son lourd poids ne cesse d'imposer. Impossible de s'y opposer ?
Il est vrai que c'est lui, à l'image paternelle, qui vous a créé.
Et si l'on va de paire, c'est d'une certaine manière également mon père.
Je suis le fils du temps, je suis le fil de temps.
Un long fil tendu, infime et infini bien entendu.
A la fois l'arbre et le fruit, je suis Chimère schizophrénique.
Sans cesse le cul entre deux chaises, le deal est de trouver le remède au dilemme : la Peste ou le Choléra ? Le temps s'écoule d'amont en aval, de Charybde en Scylla, plus je passe et plus vous vous demandez ce que je fous là !
L'œdipe qui sommeille aimerait tuer son père et épouser la veuve.
S'affranchir de son ombre et devenir soi même.

Ma mère est l'avenir, le futur radiant, à la fois dans le fait et dans l'éphémère.
Elle est la promesse encore non exhaussée.
C'est elle qui me donne le sourire de l'espoir bien souvent maquillé de trop de naïveté.
C'est elle qui apaise les blessures de mon père mais je lui crains aussi de refaire les mêmes fautes. Les deux sont très liés, on ne peut le nier.
Moi entre les deux je suis né aliéné. Ma schizophrénie frénétique me serre entre l'étau.
Je suis tôt ou tard ou trop tôt ou trop tard.
Vous me connaissez tous, préférez m'ignorer. Certains me prennent mais jamais seul.
Certains disent qu'ils ne m 'ont pas.
Je n'appartiens à personne et tout le monde m'appartient.
Ne croyez pas cet imposteur qui vous dirige, vous manipule et vous endort.
Il vous ferait avaler n'importe quoi sans que vous ne bronchiez d'un cil.
Il se présente sous le nom de Destin, ou Fatalité.
Vous êtes beaucoup à me confondre avec lui.
Ce faux-frère est un charlatan au charme latent qui n'attend rien et n'a pour but que vous empêcher d'aboutir à ce que vous êtes vraiment.
Je vous accompagne mais vous restez libres.
Je ne suis que l'essence, l'énergie de vous tous en devenir.
Je suis humble et docile.
Si mon état est incommensurable, il n'appartient qu'à vous de le modeler à votre goût.
Il n'appartient qu'à vous de m'élever au rang d'infini en l'espace d'une vie.
Je suis votre force créatrice, votre souffle, votre élan vital.
Maintenant que vous me connaissez mieux vous n'avez plus d'excuses pour m'éviter.
Vous savez qui je suis, à vous de vous faire connaître en gravant sur ma peau-stérité votre nom comme la roche est marquée des torrents.