mercredi 28 septembre 2011

Les réseaux sociaux - 2

Identité, Partage et Espace public.

Qui suis-je ? Je peux me poser cette question à moi même comme je peux poser la question aux autres. Pour chaque réponse je me trouverai face à une image de moi même car chacun me perçoit différemment autant que je perçois différemment chacun de ces autres. Qui suis-je ? Dois-je prendre en compte toutes ces images de moi et les synthétiser en ce que je peux appeler le moi ? On peut croire a priori d'une part que chaque aspect que les autres perçoivent de moi contient une part de vérité mais on peut aussi douter de la double fausse interprétation possible entre ce que l'autre crois que je suis et ce que je crois que l'autre crois que je suis. Lorsque j'entretiens un rapport, un contact avec quelqu'un j'adopte une posture, une attitude et j'emploie un langage particulier, spécifique à telle ou telle personne. Ce lien puisqu'il dépend des deux interlocuteurs représente chacun des deux dans le cadre précis de leur rapport l'un à l'autre. Cet interface s'enrichit au fil des rencontres de références culturelles, de repères chronologiques ou autres points d'échanges communs. Autrement dit avec chacun des interlocuteurs avec lequel on échange on s'appuie sur des concepts, des idées qui peuvent différer parce que telle ou telle référence culturelle n'aura pas été introduite dans cet interface dans le même contexte, et n'aura donc pas la même valeur ou encore moins la même signification.
En fait, d'une manière générale si la définition d'un mot est une acceptation commune par convention elle ne suffit pas à canaliser la multitude (infinie ?) de significations que chacun attribue à un concept en s'appuyant sur sa propre expérience. Ainsi quand je pense à plage je pense à une idée générale qui regroupe en fait toutes les expériences qui s'apparentent de près ou de loin à l'idée qui m'évoque le mot. Ce sont mes expériences physiques personnelles : les plages que j'ai pu voir, sur lesquelles j'ai posé mes pieds ; les expériences que l'on m'a rapportées par images et d'autres par récits que je me suis imaginées. Un lien social est renforcé quand, par l'expérience, deux personnes s'accordent sur la signification d'une ou plusieurs choses. Je construis l'image de moi même quand à travers l'autre je me trouve des appuis, des soutiens, des repères qui me permettent de cerner la nature de mon moi en supposant qu'il ressemble à celui de l'autre.
Que se passe-t-il dans un espace public ? Suis-je vraiment moi-même ? Face à une pluralité d'autres je montre un visage neutre dans le sens où j'essaie d'être le plus compréhensible par tout le monde en utilisant des idées, des codes, des concepts qui semblent admis et entendus par le sens commun. En un mot j'essaie d'être plus objectif que dans une conversation privée mais le problème se pose là où l'on comprend que montre forcément qui je suis. L'espace public peut se réduire à une personne, un interlocuteur informe qui tout comme n'importe qu'elle autre personne révèlerait une part de notre personnalité.
Avec l'utilisation des réseaux sociaux informatiques on assiste à un phénomène nouveau qui offre à chacun une part d'espace public dans laquelle il est libre de s'exprimer. Il ne faut pas croire que cet espace puisqu'il est personnel et accessible à tous est forcément privé. Il ne faut pas croire non plus qu'il soit complètement public. Dans la limite de la volonté personnelle on ne peut reprocher à quelqu'un d'afficher sa vie privée qui ne l'est plus dès lors qu'elle est partagée. Être libre dans un espace privé, dans un espace clos paraît insensé. La pudeur de certains leur fait voir dans la déclaration de telles ou telles vérités la transgression de règles morales ou sociales qui seraient implicites mais ces pseudo-règles de bonne conduite n'ont pas forcément plus de valeur dans l'espace public réel, physique : dans la rue ou dans la nature. La technologie dans ce cas ne fait que révéler des comportements inter-individuels déjà présents dans notre société.
Maintenant doit-on s'inquiéter sur l'effet inverse que cette technologie peut avoir sur les rapports sociaux qu'elle amplifie ? Il est légitime de se poser certaines questions. Contrairement à une conversation ordinaire, les yeux dans les yeux, l'interface informatique a l'inconvénient (mais aussi l'avantage qui constitue suivant le point de vue, le but) de garder des traces, des données qui forment une image de chacun. La question qui concerne la diffusion et le contrôle de ces données touche le problème de l'image publique qui persiste. Avant l'informatique, les médias papiers ou télévisuels pouvaient déjà modifier l'image des personnalités publiques (pour certains c'est même le but principal). Ont-elles pour autant perdues leurs vies privées ? Courons-nous ce risque à notre tour ? Quel risque ? Celui de dégrader l'image que les gens ont de nous ? En mettant de côté nos potentiels employeurs, en quoi cela peut-il affecter la vision de nos proches ?
Si je me construis à travers le regard des autres et surtout ceux que j'aime, alors qu'importe le regard des autres pourvu que l'image que je laisse à ceux qui comptent pour moi soit le reflet des rapports, des liens que j'entretiens avec eux.

dimanche 25 septembre 2011

Clichés de vacances

L'acte de photographier n'est pas anodin, c'est une prise de position, un jugement, une vision. Capter la lumière pour figer l'espace dans le temps ou le temps dans l'espace. Au delà du côté pratique et un peu narcissique des clichés populaires la question serait d'observer les sujets et les objets, qui prend quoi en photo et se demander pourquoi ? Et surtout se demander non pas pourquoi on prend telle ou telle chose en photo mais pourquoi on ne prend pas les autres ?
On évitera l'explication psychologique du surmoi au teint éclatant du vacancier ou de la vacancière moyen(ne) qui tente d'immortaliser tous les étés les plus belles facettes de son corps, ou encore les photos de groupes qui dans le même registre sont censées attester la force de liens d'amitiés.
Prendre une photo est une manière de s'approprier un lieu, un espace, ce que l'on voit et même si on ne figure pas sur l'image finale elle dépend de nous en tant qu'auteur de la prise de vue. Elle a une importance tant pour le sujet, l'objet, le monument, le paysage que pour l'auteur qui est représenté dans la proposition qu'il offre par un choix de mise en scène ou d'angle, de lumière.
Les clichés sont souvent la première preuve qu'on agite pour témoigner de la réussite d'un voyage et valent presque autant sinon plus que le récit seul. Les deux sont étroitement liés et les images servent de support au langage et à la mémoire de sorte que photographier est déjà construire un récit, écrire une histoire.
Cette histoire dont nous sommes le héros doit sortir du quotidien, de la banalité. Qui se prend en photo en train de bosser dans l'idée de raconter ses journées de boulot à ses amis le week-end ? En tant que metteur en scène et acteur principal le genre repose toujours sur la même trame joie et bonheur, décor onirique et ambiance décontractée. Il ne reste plus qu'à choisir les scènes, les figurants. Là commence alors le véritable rôle du photographe comme observateur et juge de la réalité qui l'entoure.
De quoi ai-je envie de me souvenir ? Qu'ai-je envie de montrer aux autres à mon retour ? Puisque je ne peux pas raconter toute l'histoire je dois me contenter d'en offrir un résumé, un condensé. Quatre heures de marche peuvent se réduire à un cliché qui sera vu pendant une poignée de secondes. Je dois donc interpréter et décider quels espaces et quels moments sont significatifs pour moi. Il y a pourtant il me semble toujours un léger décalage entre l'inconsciente signification qu'on veut mettre dans une photo et la recherche d'esthétique qui a pour but de magnifier la réalité. Pendant ces longs moments de trajet ou devant un petit détail ridicule en apparence, des fois le voyage investit entièrement sa dimension d'échappatoire et alors que je peux être envahi de tel ou tel sentiment la situation ou le lieu ne se prête pas forcément à un superbe cliché et à l'inverse je peux déambuler dans des villes et mitrailler des tas de monuments ou de façades sans pour autant ressentir davantage d'intérêt à ce moment précis.
Quand je me trouve face à un paysage, un décor, un monument et que je veux en partager le souvenir j'essaie de trouver l'angle qui saurait concentrer les aspects qui me marquent le plus. J'essaie de trouver ou le détail ou la manière qui capterait l'essence même du lieu ou de l'objet même si je peux me heurter au problème de savoir en quoi suis-je touché réellement par une chose ? Comment mon appareil peut-il retranscrire au mieux ce que je vois ? Ce sont ces secondes contraintes qui font des conditions de la prise de vue un véritable travail de réflexion même inconscient.
Il est facile de constater la singularité d'un lieu comme il est facile de photographier tout ce qui sort de l'ordinaire ou qui semble être significatif non plus pour soi mais pour une culture, un espace donné mais beaucoup de photos sont froides, manquent de vie et restent au final au rang de clichés muets. Il est plus difficile de retranscrire une ambiance, un idée, le sentiment de celui qui appuie sur le déclencheur. Il faut parfois attendre longtemps l'infime intervalle qui offre les conditions favorables à la prise qui saura saisir l'essence profonde d'un objet comme cette occasion peut-être seule et unique, inscrite dans la spontanéité quand le voyageur rencontre un visage, une expression, un regard, un sourire.
La photo de vacances est un symbole fort. Parce qu'elle s'oppose au vide de nos vies quotidiennes elle doit manifester d'une certaine réussite de bonheur. Elle doit casser avec la monotonie, l'image en elle même doit être enrichissante et donner envie de repartir. Je ne veux garder que les bons moments , les moments heureux par optimisme et un peu par naïveté. Mais rien n'est jamais tout aussi joyeux, positif, festif et pur que dans les albums photos.

jeudi 22 septembre 2011

Peine de mort


22 Septembre 2011. Troy Davis est exécuté.
Malheureusement encore de rigueur dans des pays démocratiques ou non, la peine de mort ne cessera de nous indigner que lorsqu'elle est cessera de faire des victimes. Bien que bannie dans les sociétés les plus développées elle est pourtant à l'image de relations humaines dégradées imprégnées de violence, de brutalité, de barbarisme.
La peine capitale comme toutes les autres lois repose sur la justice, à la différence près qu'aucun recours n'est possible une fois la sentence exécutée. Elle affirme donc implicitement le caractère parfait de la loi, de la justice. Et c'est dans un premier temps de cette idée même qu'il faut douter. Comment la justice peut-elle être parfaite ? Un jugement par définition est une appréciation par la raison de faits mis en relation dans une logique établie par le juge. Si cette logique était si transparente elle pourrait être interprétée par une machine. Ceci n'est pas possible du fait du caractère individuel et indéfini des actions et jugements de chacun. Puisque chacun agit et pense différemment, aucune machine ne saurait voir ou prévoir ce qu'il se passe dans la tête d'un homme. Ce même argument qui justifie la nécessité d'une personne morale comme juge rend cette dernière tout aussi fragile quant à l'exactitude ou l'objectivité des jugements qui ne peuvent être qu'idéales.
Seulement nos sociétés technologiques tendent vers l'ère binaire, manichéenne où tout est de plus en plus noir ou de plus en plus blanc. Et dans un contexte permanent de chaos les institutions se rassurent en croyant pouvoir prouver qu'elles maîtrisent des idées inatteignables. La justice n'existe pas au sens idéal du terme, les lois ne sont que les barrières permettant à la haine vengeresse de s'exprimer sous les traits hypocrites de la balance du bien et du mal.
La mort est le plus haut degré dans l'échelle de la violence. La mort nous choque car elle signe la fin du combat contre la paix seulement avant de crier à la mort il faut s'aviser d'éviter les moindres coups. Les films et séries banalisent les images de la torture, la cruauté jusqu'à parfois les défendre au nom encore une fois de la justice, cette fois-ci personnelle, comme avec Dexter le justicier-assassin. Les jeux vidéos permettent également de mettre en scène et placer au centre de l'action tout public pouvant alors exercer violence, force, meurtres par procuration toujours sous l'étiquette d'une quête quelconque contre le mal, les créatures de l'enfer ou des zombies dégénérés. Une deuxième question apparaît ici nécessaire : faut-il absolument prendre conscience de toute la potentialité destructrice de l'homme ? Plus explicitement faut-il tout montrer, toutes les réalités, les plus cruelles soient-elles au nom du droit de savoir, de transparence, au risque d'altérer les valeurs même attribuées à des actions graves mais qui se vulgarisent ?
Le rapport que nous entretenons avec les autres est le reflet du rapport à soi. La violence est-elle naturelle et nécessaire ? Est-elle l'expression d'une frustration engendrée par notre société opprimante,étouffante ? Nous pouvons supposer que d'une certaine manière nos actions violentes sont fortement liées à nos conditions sociétales. Ainsi, les médias pourraient apparaître comme un défouloir nécessaire, mais les images animées endossent à mon goût beaucoup trop les excuses et alibis que l'homme se donne pour ne pas admettre la réalité en face et se faire violence à lui même, par le sport, le travail ou la simple discipline personnelle. Non, nous sommes dans l'ère de l'oisiveté, de la fainéantise, du moindre effort pour au contraire succomber aux plaisirs paradoxaux du corps, de la table et des drogues. L'homme contemporain se détruit sans se faire violence. Il ne s'engage pas car ça demande trop d'énergie et ferme les yeux sur les problèmes qui ne le concernent pas. Seulement il oublie trop souvent que ne pas agir est agir inévitablement et que la passivité ou l'indifférence font trop souvent la différence.
Qu'elle qu'en soit son intensité, sa violence, toute énergie doit être maîtrisée et canalisée pour être efficace, utile, sinon elle n'est que vent soufflant dans le vide.



lundi 12 septembre 2011

Idées sur le voyage - 2. De la préparation jusqu'au lâcher prise

De la préparation...
Combien d'entre nous ne se sont pas laissés porter par le tourbillon d'un globe terrestre ? Qui n'a jamais cherché à s'imaginer quels peuvent être les couleurs, les odeurs qui se cachent derrière les tracés des cartes ? Si tout voyage commence par un premier pas, celui-ci est imaginé des milliers de fois avant d'être physiquement effectué. Une carte postale représente une réalité figée, vue sous un certain angle. Le "cliché" est très évocateur, tellement que notre esprit n'a plus de place à l'imagination. L'évasion sous-jacente ne peut être alors vraiment libre. Lorsque je regarde une carte géographique, j'y plonge ! Je parcours les routes, longe les cours d'eau, franchis des cols. Chaque fois mon itinéraire est différent. Pendant ce chemin tout est possible. Les villes écrites en caractère gras ressortent comme des points de convergence, d'animation tandis que les verts des grandes campagnes et les noms des villages semblants perdus aspirent déjà à une certaine tranquillité. Quel intérêt pouvons-nous trouver dans toutes ces suppositions qui sont sûrement en dehors de la réalité ? Arriver dans un endroit c'est comme rencontrer une personne. On nous en avait peut être parlé avant de la voir, en bien, en mal mais la manière façon de juger c'est encore de s'y confronter. Rencontrer un pays, une culture, un peuple, des paysages fonctionne de la même manière. Les cartes postales trop parfaites ne sont qu'une partie de la réalité d'un lieu. Les cartes géographiques ou routières représentent un autre aspect de cette réalité.


...au lâcher prise ! 
Avancer c'est marcher vers l'inconnu. Puisqu'on ne peut pas tout contrôler il faut accepter le caractère aléatoire de certaines conditions du voyage et en saisir les opportunités qu'elles peuvent offrir. L'important n'étant pas nécessairement d'atteindre un but mais de faire bonne route ! La plus minutieuse des préparations ne pourra tenir compte de l'essentiel qui se trouve dans la rencontre, dans l'inattendu. La multitude de détails qui ne figurent ni dans les guides, ni sur les cartes mais qui donne toute sa grandeur à l'expérience. Le travail du temps qui est la dimension primordiale, devant même l'espace. Antinomie linguistique qui tient pourtant une grande vérité : prendre son temps c'est s'en affranchir. Oublier l'avant et l'après. Vivre dans l'ici et maintenant, à la fois pleinement dedans et complètement hors du temps.