dimanche 25 septembre 2011

Clichés de vacances

L'acte de photographier n'est pas anodin, c'est une prise de position, un jugement, une vision. Capter la lumière pour figer l'espace dans le temps ou le temps dans l'espace. Au delà du côté pratique et un peu narcissique des clichés populaires la question serait d'observer les sujets et les objets, qui prend quoi en photo et se demander pourquoi ? Et surtout se demander non pas pourquoi on prend telle ou telle chose en photo mais pourquoi on ne prend pas les autres ?
On évitera l'explication psychologique du surmoi au teint éclatant du vacancier ou de la vacancière moyen(ne) qui tente d'immortaliser tous les étés les plus belles facettes de son corps, ou encore les photos de groupes qui dans le même registre sont censées attester la force de liens d'amitiés.
Prendre une photo est une manière de s'approprier un lieu, un espace, ce que l'on voit et même si on ne figure pas sur l'image finale elle dépend de nous en tant qu'auteur de la prise de vue. Elle a une importance tant pour le sujet, l'objet, le monument, le paysage que pour l'auteur qui est représenté dans la proposition qu'il offre par un choix de mise en scène ou d'angle, de lumière.
Les clichés sont souvent la première preuve qu'on agite pour témoigner de la réussite d'un voyage et valent presque autant sinon plus que le récit seul. Les deux sont étroitement liés et les images servent de support au langage et à la mémoire de sorte que photographier est déjà construire un récit, écrire une histoire.
Cette histoire dont nous sommes le héros doit sortir du quotidien, de la banalité. Qui se prend en photo en train de bosser dans l'idée de raconter ses journées de boulot à ses amis le week-end ? En tant que metteur en scène et acteur principal le genre repose toujours sur la même trame joie et bonheur, décor onirique et ambiance décontractée. Il ne reste plus qu'à choisir les scènes, les figurants. Là commence alors le véritable rôle du photographe comme observateur et juge de la réalité qui l'entoure.
De quoi ai-je envie de me souvenir ? Qu'ai-je envie de montrer aux autres à mon retour ? Puisque je ne peux pas raconter toute l'histoire je dois me contenter d'en offrir un résumé, un condensé. Quatre heures de marche peuvent se réduire à un cliché qui sera vu pendant une poignée de secondes. Je dois donc interpréter et décider quels espaces et quels moments sont significatifs pour moi. Il y a pourtant il me semble toujours un léger décalage entre l'inconsciente signification qu'on veut mettre dans une photo et la recherche d'esthétique qui a pour but de magnifier la réalité. Pendant ces longs moments de trajet ou devant un petit détail ridicule en apparence, des fois le voyage investit entièrement sa dimension d'échappatoire et alors que je peux être envahi de tel ou tel sentiment la situation ou le lieu ne se prête pas forcément à un superbe cliché et à l'inverse je peux déambuler dans des villes et mitrailler des tas de monuments ou de façades sans pour autant ressentir davantage d'intérêt à ce moment précis.
Quand je me trouve face à un paysage, un décor, un monument et que je veux en partager le souvenir j'essaie de trouver l'angle qui saurait concentrer les aspects qui me marquent le plus. J'essaie de trouver ou le détail ou la manière qui capterait l'essence même du lieu ou de l'objet même si je peux me heurter au problème de savoir en quoi suis-je touché réellement par une chose ? Comment mon appareil peut-il retranscrire au mieux ce que je vois ? Ce sont ces secondes contraintes qui font des conditions de la prise de vue un véritable travail de réflexion même inconscient.
Il est facile de constater la singularité d'un lieu comme il est facile de photographier tout ce qui sort de l'ordinaire ou qui semble être significatif non plus pour soi mais pour une culture, un espace donné mais beaucoup de photos sont froides, manquent de vie et restent au final au rang de clichés muets. Il est plus difficile de retranscrire une ambiance, un idée, le sentiment de celui qui appuie sur le déclencheur. Il faut parfois attendre longtemps l'infime intervalle qui offre les conditions favorables à la prise qui saura saisir l'essence profonde d'un objet comme cette occasion peut-être seule et unique, inscrite dans la spontanéité quand le voyageur rencontre un visage, une expression, un regard, un sourire.
La photo de vacances est un symbole fort. Parce qu'elle s'oppose au vide de nos vies quotidiennes elle doit manifester d'une certaine réussite de bonheur. Elle doit casser avec la monotonie, l'image en elle même doit être enrichissante et donner envie de repartir. Je ne veux garder que les bons moments , les moments heureux par optimisme et un peu par naïveté. Mais rien n'est jamais tout aussi joyeux, positif, festif et pur que dans les albums photos.

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