C'est
déjà arrivé à n'importe lequel d'entre nous. Un matin on se lève,
une journée commence. C'est un rendez-vous, une tâche ménagère,
une échéance administrative... on peut décaler d'une heure, de
plusieurs. Parfois on reporte au lendemain, en espérant que des
conditions seront plus favorables. Parfois on se dit simplement que
ça peut attendre et puis ce n'est qu'un mois plus tard qu'on envoie
ce fichu papier que tel ou tel organisme nous réclamait. Certaines
choses peuvent traîner des mois, voire des années avant de générer
des problèmes, ce qui ne nous effraie pas plus que ça jusqu'au jour
où tout éclate !
L'angoisse
du temps. La peur du vide. D'où me vient cette manie de toujours
tout reporter. Il a a toujours des moments, ces grands intervalles
temporels où je suis libre, c'est à dire que les contraintes qui me
sont habituellement imposées de l'extérieur c'est à moi seul de
les mettre en place pour finalement, avec une autodiscipline plus ou
moins indéfinie, me soumettre à ma propre volonté. Et cette
volonté fait malheureusement trop souvent face à cette angoisse,
cette abîme du temps qui passe malgré le silence, malgré
l'apparente tranquillité d'un espace immobile.
Reporter
dans le temps c'est comme rejeter dans l'espace : tenter d'éloigner
l'objet de soi. Mais derrière la forme que peut prendre telle ou
telle tâche l'objet évité peut être la conscience, la
responsabilité, la nécessité. Ces valeurs si pesantes dont chacun
essaie d'une manière ou d'une autre, à une certaine échelle de
s'affranchir. Cette illusion, le fait de croire que reporter une
échéance à plus tard équivaut à gagner un peu de liberté, est
vite rattrapée par la réalité du cercle vicieux dans lequel je
tombe à chaque fois que ce qui peut tout aussi bien s'apparenter à
de la flemme prend des allures de considérations logiques et
logistiques pour ne fournir qu'un alibi à ma conscience.
Ne
rien s'imposer, est-ce vraiment être libre ? Pourtant l'absence de
contrainte est déjà une contrainte. Peut-on alors être libre et la
conscience tranquille ?
J'argumente
souvent auprès de ma conscience l'idée que je peux avoir du temps
libre en repoussant les activités obligatoires mais le poids du
temps m'empêche paradoxalement de faire autre chose que ne rien
faire, disons plutôt ne rien faire qui ne nécessite plus d'énergie
ou de motivation que les choses que j'ai décidé de ne pas faire :
ce serait sinon complètement insensé ! Hélas, ne rien faire est en
soi une activité comme une autre à laquelle je ne peux échapper et
je me retrouve toujours piégé par cette même angoisse qui ne cesse
de me rappeler le temps que je suis en train de perdre. En effet ce
qui n'est pas fait reste à faire et ce qui est fait n'est plus à
faire, cet énoncé s'apparente à une tautologie mais en poussant le
raisonnement plus loin je me décide toujours finalement en faveur de
l'action, l'accomplissement de ceci ou cela avec la conviction que
plus je passe mon temps à faire ce que je n'ai pas envie (sur le
moment) de faire et plus vite je serai débarrassé de cette
multitude d'échéances qui me tiraille ! Et là, le cercle
recommence son cycle et je me demande ce que je vais bien pouvoir
faire une fois que je n'aurai plus rien à faire. Toujours cette même
raison, la peur du vide, l'angoisse de l'ennui. Et là c'est le
comble, je n'ai pas envie de n'avoir rien à faire, et c'est donc
pour ça que je ne fais rien. Qui a dit que ce n'était que de la
flemme ?
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