Demain est un autre jour. Le temps
passe. Nous évoluons. Ce que nous appelons les phénomènes de mode
peuvent être superficiels mais reposent en réalité sur la question
des questions, le problème existentiel de référence qui est celui
de l'identité au sens profond du terme. Par la substance matérielle,
chacun cherche à révéler son essence. Les objets nous définissent
car nous définissons les objets. Ainsi par la création matérielle
nous affirmons notre être. Malheureusement, notre société telle
qu'elle est fait ne nous permet pas à tous d'être de purs
créateurs, fabricants, artisans de nos espaces, de nos apparences.
Dans le monde des échanges financiers, certains conçoivent pour les
autres. Les autres ce sont en fait toujours nous, tout le monde, car
tout le monde, ou plutôt personne, ne peut tout faire lui même.
Alors la liberté qui nous reste pour nous affirmer réside dans le
choix que l'on peut faire. L'homme d'aujourd'hui est libre (c'est ce
qu'il croit) dans le choix de sa voiture, de la couleur de la
carrosserie, de la texture de son intérieur, des options, du
financement, des extensions de garantie... et l'homme d'aujourd'hui
est libre (c'est ce qu'il croit) parce qu'il change de voiture,
d'habits, de four à micro-ondes... De toute évidence il invoque la
vétusté des objets, leurs dysfonctionnements entêté d'acquérir
ce qu'il y a de mieux. Le mieux c'est surtout le neuf, le nouveau, ce
qui n'existait pas avant. Le mieux est censé être quelque chose de
bien, mais en mieux. Sans considérations d'ordre moral, le bien
suppose répondre à une exigence, une attente, une contrainte mais
la plupart du temps c'est l'objet lui-même qui crée le besoin et la
seule exigence du consommateur est la nouveauté.
Le besoin de nouveau répond au vide de
nos vies. Il répond à l'angoisse d'une existence monotone. Car pour
que vivre ne soit pas simplement survivre, vivre doit signifier
évoluer, changer et non pas stagner et pourrir. De ce fait, la soif
de nouveauté accélère l'homme (et la femme) dans le futur, dans le
futurisme même. Jaloux des objets qui tiennent le coup plus que
lui-même, tout ce qui rappelle le passé finit par être dépassé, dépecé et déposé sur le trottoir. Changer de vêtements en
fonction des saisons c'est prendre sa place dans le temps qui passe,
et prendre ses marques (dans tous les sens du terme) dans une
identité sociale (ceci est une autre question). Le shopping est un
véritable rituel psychologique, quasiment ontologique ? Le
cartésianisme est dépassé, si je suis ce n'est plus parce que je
pense, mais parce que je dépense. Alors oui, nous avons besoin des
objets pour vivre, chacun a son utilité mais combien de babioles, de
gadgets, d'accessoires aussi futiles qu'utiles s'amassent dans nos
demeures après n'avoir servi qu'une poignée de fois au mieux ?
L'on veut nous faire croire qu'il faut
avoir pour être mais cela n'a rien à voir. La nouveauté, la vraie,
la pure, la dure ne se trouve pas dans l'acquisition compulsive mais
dans la création, l'originalité, celle qui s'émancipe des règles,
des normes, des lois et s'affirme d'elle-même.
L'énorme ironie dans tout ça c'est
que la nouveauté est devenue à telle point banale qu'elle paraît
évidente et nous semblons implicitement affirmer une évolution, une
amélioration, un progrès scientifique, technologique, artistique
indépendante comme une vérité en soi en oubliant que rien n'est
jamais acquis et que tout reste à créer. Les découvertes, les
avancées, les progressions ne tombent pas du ciel, si elles
s'appuient évidemment sur nos acquis elles demandent et demanderont
encore des quantités d'énergie, d'idées, d'hommes et de femmes
pour naître et constituer les futures nouveautés, les véritables
inventions.
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