dimanche 20 novembre 2011

La mesure de l'homme


Qu'on écoute Protagoras ou Pythagore et bien d'autres, l'observation de l'homme et son monde et la tentative de compréhension de celui-ci s'appuie sur sa mesure. Les nombres si anodins soient-ils sont les outils que l'homme a inventé pour cela. Que serait la technique sans les mathématiques et la géométrie qui nous permet de tracer points, lignes, courbes, surfaces et volumes ? Bien que les origines du compagnonnage soient quelque fois mises en doute, les dates importent peu. La maîtrise du trait, du geste n'a pu se faire qu'avec la maîtrise des nombres et l'évolution des techniques de calculs et de tracés. Les nombres ont toujours fasciné l'homme parce qu'ils sont cette impression d'être à la fois dans toutes les choses, comme entités régulatrices alors qu'ils n'ont aucune réalité propre. Les nombres et leurs pouvoirs sont souvent associés au divin sans l'être forcément, la trinité qui peut se rapporter aux pères fondateurs du compagnonnage, les éléments (trois chez les celtiques, quatre chez les grecs, cinq chez les chinois...) le chiffre sept encore que nous retrouvons dans beaucoup de mythes et contes, et qui a son importance chez les compagnons. Sans oublier les deux chiffres indéfinis grecs π et φ qui servent à tracer des figures géométriques et définir les proportions idéales.
Si l'homme est à la mesure de toute chose comme le disait Protagoras les œuvres qu'il laisse à travers le temps sont la preuve qu'il est malgré ça sans cesse en recherche de proportions dans la beauté, et chercher à dépasser sa finitude par la réalisation d'ouvrages dépassant sa taille et dépassant son époque. Les gratte-ciels d'aujourd'hui sont les cathédrales d'antan, manifestants le désir d'aller toujours plus loin, plus haut. Les pyramides restent aujourd'hui encore un mystère de construction, mais les Égyptiens ne détiennent pas le monopole d'ingéniosité dans ce domaine, d’impressionnants temples de sépultures taillés à flanc des montagnes témoignent dans la cordillère des Andes de techniques tout aussi remarquables, sans parler des patrimoines amérindiens, ou des temples et édifices de l'Antiquité...
Le compagnonnage se revendique des bâtisseurs, et c'est évidemment sur toute cette tradition que nous avons évoquée qu'il repose. Bien sûr la forme que cette institution ouvrière a aujourd'hui est trop récente pour pouvoir affirmer exister ainsi depuis des millénaires, mais l'esprit lui est resté dans la lignée des hommes qui cherchent à faire les choses selon les règles de l'art, selon les proportions justes avec une certaine foi dans les règles, les nombres qui sont les seuls repères invariants au cours des siècles. Car si les formes changent, s’aplatissent, s'affinent, se courbent ou s'effacent sous une matière qui semble devenir de plus en plus artificielle, morne et morte, froide derrière des machines sans âme, ce qui ne peut changer est cet œil humain qui distingue les moindres erreurs de grandeur, de longueur, de couleur... Cela peut paraître naïf mais tant qu'un triangle restera un polygone à trois côtés et que 2 et 2 feront 4, n'en déplaise à M. Descartes, alors l'homme aura toute sa place dans le travail de la matière, l'artisan peut faire confiance aux nombres.

Articles liés :
Main et humain

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire