Si le jeu est amusement,
il n'est ni le propre de l'enfant, ni le propre de l'homme. Mais
qu'est-ce que le jeu alors ? Animal, il est espièglerie. Peut-on
parler de jeu quand le chat taquine la souris jusqu'à la mort ? Une
telle cruauté n'est-elle pas contradictoire avec l'idée d'innocence
propre au jeu ? Comment considérer les jeux d'argent ? Sont-ils
aussi ludiques que les autres types de jeux ? Souffler n'est pas
jouer. Qu'est-ce jouer ? Jouer un rôle ? Être de la partie ? Où
commence et où s'arrête le jeu ? Dans notre vie sociale, dans la
vie politique tout le monde joue. Certains jouent avec nos peurs,
d'autres avec nos désirs. Jouer c'est manipuler. Quand les facteurs
sont en jeu, jouer c'est agir. Comment savoir alors quand jouer
n'est-il plus simplement jouer ?
Que faut-il pour faire
un jeu ? Que faut-il pour faire un jouet ? Chez le nourrisson le jeu
est éveil. Le jeu est la découverte de la réalité. C'est la prise
de conscience des sens, des couleurs, des formes, du temps et de
l'espace. A mesure que l'individu découvre le monde, il se découvre
lui-même. Le jeu est alors le support de l'émergence du «je». Par
l'absence de langage significatif le jeu est alors objet, jouet,
tactile. Le jeu est social, sensible, sentimental. Il née du lien
parental. Le premier jeu est marque d'affection. Son but est simple :
montrer à chacun que l'autre existe. L'objet n'a alors pas
d'importance particulière puisque tout est inconnu ou nouveau tout
est prétexte à émerveillement. Le jeu est l'apprentissage des
règles de vie. Ces règles qui lui sont encore inconnues lui sont
révélées par la mère et le père avec leurs réactions.
Intuitivement ce jeu de puissance est primordial pour la construction
de l'enfant, dans l'établissement de ses limites sociales
et morales.
À mesure qu'il grandit,
l'individu repousse les limites de son monde. Le jeu de pouvoir est
permanent, continu. Se construire passe par l'élargissement de son
espace vital. Une fois capable d'interactions sociales, le jeu est la
rencontre de l'autre. Le jouet est alors l'objet personnel et
représente le rapport à la propriété. Être et avoir. Posséder,
partager, échanger. Le jouet est l'accessoire du
jeu, le déclencheur d'une autre réalité, la porte vers un autre
monde. Il est également en tant que lien entre l'enfant et la
fantaisie l'objet de domination, de maîtrise, de contrôle. En le
manipulant l'enfant agit sur lui et son entourage. Dans l'image du
jouet qui n'est pas tout à fait la sienne il peut assumer des
envies des désirs tout en se protégeant, en s'éloignant de ce
qu'il crée pour se déresponsabiliser de ses actes et pouvoir
repousser les limites de ceux-ci.
Peut-on
alors parler de jeux d'argent ? D'une certaine manière ce qui
rapproche l'adulte de l'enfant avec l'appât du gain c'est son retour
à une naïveté, une projection du sujet dans un fantasme, un délire
dans lequel il est au centre. La différence est cette infime
possibilité pour le joueur de voir sa réalité changer. Là où
l'enfant vit des illusions, l'adulte s'accroche à l'espoir de la
réalisation de la sienne. Perdre et gagner. Le joueur qui perd se
croit philosophe en affirmant que c'est la vie, c'est
le jeu ma pauvre Lucette !
tout en avalant amèrement sa salive il continue d'alimenter le feu
de l'espérance auquel il se raccroche. Certains pensent que la vie
est juste et que le jeu en vaut la chandelle, de sorte que le destin
finira par remettre les choses en ordre. Certains pensent que la vie
est injuste et que tout le monde a donc toutes les chances de gagner
un jour ou l'autre.
Le
sport est censé être une belle illustration du jeu. En faisant
intervenir les capacités des joueurs l'issue des compétitions
devrait nous montrer que rien n'est jamais gagné, et que l'humilité
face au caractère aléatoire des victoires est de mise. Pourtant ce
type de jeu s'est orienté avec l'argent et la compétition vers le
culte de la personne, de l'équipe pour mettre l'orgueil et la vanité
en première ligne. Le jeu sportif est déterministe : qui veut,
peut ! L'homme ne peut s'en remettre qu'à lui même quand il
gagne comme quand il perd, mais comme le sportif est souvent mauvais
joueur il est plutôt déterministe quand il gagne et blâme les
aléas dans la défaite.
Les
jeux vidéos sont-ils un nouveau genre de jeu ? Ils ont un côté
ludique, un côté social. Une manière d'aborder la question serait
de dire que ce média n'est qu'un nouveau support à des mises en
situation déjà existantes. Mais la nouvelle dimension qu'elle
apporte efface les frontières entre le vrai et le vraisemblable, le
réel et le réaliste. Parfois le réel n'est pas vraisemblable et le
réaliste n'est pas vrai mais comment savoir ? Le vraisemblable
se construit dans la pensée par rapprochement d'images du réel et
du virtuel. En réduisant la limite qui sépare ces deux mondes,
peut-on craindre que celle-ci disparaisse un jour ?
La convention de Genève pour les jeux vidéos ?
La convention de Genève pour les jeux vidéos ?
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