samedi 7 janvier 2012

Jeu, jouet et je


Si le jeu est amusement, il n'est ni le propre de l'enfant, ni le propre de l'homme. Mais qu'est-ce que le jeu alors ? Animal, il est espièglerie. Peut-on parler de jeu quand le chat taquine la souris jusqu'à la mort ? Une telle cruauté n'est-elle pas contradictoire avec l'idée d'innocence propre au jeu ? Comment considérer les jeux d'argent ? Sont-ils aussi ludiques que les autres types de jeux ? Souffler n'est pas jouer. Qu'est-ce jouer ? Jouer un rôle ? Être de la partie ? Où commence et où s'arrête le jeu ? Dans notre vie sociale, dans la vie politique tout le monde joue. Certains jouent avec nos peurs, d'autres avec nos désirs. Jouer c'est manipuler. Quand les facteurs sont en jeu, jouer c'est agir. Comment savoir alors quand jouer n'est-il plus simplement jouer ?

Que faut-il pour faire un jeu ? Que faut-il pour faire un jouet ? Chez le nourrisson le jeu est éveil. Le jeu est la découverte de la réalité. C'est la prise de conscience des sens, des couleurs, des formes, du temps et de l'espace. A mesure que l'individu découvre le monde, il se découvre lui-même. Le jeu est alors le support de l'émergence du «je». Par l'absence de langage significatif le jeu est alors objet, jouet, tactile. Le jeu est social, sensible, sentimental. Il née du lien parental. Le premier jeu est marque d'affection. Son but est simple : montrer à chacun que l'autre existe. L'objet n'a alors pas d'importance particulière puisque tout est inconnu ou nouveau tout est prétexte à émerveillement. Le jeu est l'apprentissage des règles de vie. Ces règles qui lui sont encore inconnues lui sont révélées par la mère et le père avec leurs réactions. Intuitivement ce jeu de puissance est primordial pour la construction de l'enfant, dans l'établissement de ses limites sociales et morales.

À mesure qu'il grandit, l'individu repousse les limites de son monde. Le jeu de pouvoir est permanent, continu. Se construire passe par l'élargissement de son espace vital. Une fois capable d'interactions sociales, le jeu est la rencontre de l'autre. Le jouet est alors l'objet personnel et représente le rapport à la propriété. Être et avoir. Posséder, partager, échanger. Le jouet est l'accessoire du jeu, le déclencheur d'une autre réalité, la porte vers un autre monde. Il est également en tant que lien entre l'enfant et la fantaisie l'objet de domination, de maîtrise, de contrôle. En le manipulant l'enfant agit sur lui et son entourage. Dans l'image du jouet qui n'est pas tout à fait la sienne il peut assumer des envies des désirs tout en se protégeant, en s'éloignant de ce qu'il crée pour se déresponsabiliser de ses actes et pouvoir repousser les limites de ceux-ci.

Peut-on alors parler de jeux d'argent ? D'une certaine manière ce qui rapproche l'adulte de l'enfant avec l'appât du gain c'est son retour à une naïveté, une projection du sujet dans un fantasme, un délire dans lequel il est au centre. La différence est cette infime possibilité pour le joueur de voir sa réalité changer. Là où l'enfant vit des illusions, l'adulte s'accroche à l'espoir de la réalisation de la sienne. Perdre et gagner. Le joueur qui perd se croit philosophe en affirmant que c'est la vie, c'est le jeu ma pauvre Lucette ! tout en avalant amèrement sa salive il continue d'alimenter le feu de l'espérance auquel il se raccroche. Certains pensent que la vie est juste et que le jeu en vaut la chandelle, de sorte que le destin finira par remettre les choses en ordre. Certains pensent que la vie est injuste et que tout le monde a donc toutes les chances de gagner un jour ou l'autre.
Le sport est censé être une belle illustration du jeu. En faisant intervenir les capacités des joueurs l'issue des compétitions devrait nous montrer que rien n'est jamais gagné, et que l'humilité face au caractère aléatoire des victoires est de mise. Pourtant ce type de jeu s'est orienté avec l'argent et la compétition vers le culte de la personne, de l'équipe pour mettre l'orgueil et la vanité en première ligne. Le jeu sportif est déterministe : qui veut, peut ! L'homme ne peut s'en remettre qu'à lui même quand il gagne comme quand il perd, mais comme le sportif est souvent mauvais joueur il est plutôt déterministe quand il gagne et blâme les aléas dans la défaite.

Les jeux vidéos sont-ils un nouveau genre de jeu ? Ils ont un côté ludique, un côté social. Une manière d'aborder la question serait de dire que ce média n'est qu'un nouveau support à des mises en situation déjà existantes. Mais la nouvelle dimension qu'elle apporte efface les frontières entre le vrai et le vraisemblable, le réel et le réaliste. Parfois le réel n'est pas vraisemblable et le réaliste n'est pas vrai mais comment savoir ? Le vraisemblable se construit dans la pensée par rapprochement d'images du réel et du virtuel. En réduisant la limite qui sépare ces deux mondes, peut-on craindre que celle-ci disparaisse un jour ?

La convention de Genève pour les jeux vidéos ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire