samedi 3 décembre 2011

Le vieux barbu existe encore


Vous aurez remarqué les sapins envahir les villes, les lumières se multiplier au moment où la publicité devient de plus en plus naïve et enfantine, les vitrines de plus en plus rouges et pseudo-enneigées. Les gens se ruent dans les magasins et dans les rues tout le monde est sollicité pour une cause ou une autre. Nous sommes en décembre et malgré la température encore relativement douce nous sommes en hiver. Comment un phénomène religieux tel que la célébration de la naissance du prophète chrétien peut-il susciter autant d'enthousiasme dans une société qui a tué Dieu depuis un moment déjà ? Parce que chacun de nous de manière cyclique cherche des repères pour avancer, et comme tous les ans, nous cherchons ces repères dans des valeurs symboliques inspirées par la saison. L'hiver est froid et nous invite à rentrer chez nous, dans nos chaumières, près de nos feux, nos foyers. En ce sens plus chaleureux que ménage le foyer représente la famille qui s'unit, se réunit en cercle pour lutter contre la rudesse de l'hiver. Dans l'épreuve, les liens les plus vrais étant alors censés se resserrer. Les journées étant plus courtes, la logique voudrait faire de l'hiver une période où nous travaillons un peu moins, et pendant laquelle nous privilégions le repos, l'échange avec les proches, le calme de la demeure. A ces longues nuits, les innombrables illuminations décorent les maisons et villages, villes et boulevards pour essayer d'insuffler le maximum de vie à la noirceur de la saison meurtrière. L'hiver est la fin de l'année, le bilan, l'ultime moment de racheter ses fautes et faire une bonne action et les œuvres caritatives n'hésitent pas à faire appel à notre générosité en l'opposant à la culpabilité de notre égoïsme. Mais au final, ne nous voilons pas la face, les belles décorations et le vin chaud ne changent pas la nature humaine, chacun ne pense qu'à sa gueule, la différence à l'approche des fêtes est d'ordre diplomatique seulement. Même si les conseils chrétiens n'atteignent plus beaucoup d'oreilles, chacun espère inconsciemment qu'une justice naturelle récompense nos bonnes actions et comme nos parents nous l'ont très bien appris : si je suis sage, le Père Noël m'apportera des beaux cadeaux. Alors certes, passés la dizaine nous affirmons ne plus croire au Père Noël, cela reste encore à prouver. On nous le dit : il ne faut plus croire en rien, si ce n'est en soi même. La subtilité est du même ordre que la nuance entre croyance en Dieu et croyance en une force divine, car si bien sûr la majorité d'entre nous rejette l'existence d'une entité physique anthropomorphique effective, notre comportement laisse croire que nous espérions malgré tout l'existence d'une bonté morale qui récompenserait les bons travailleurs. Le mérite n'existe pas, la valeur n'existe plus. La magie de Noël voudrait nous faire croire que nous sommes gentils seulement pendant la dernière semaine de l'année alors que nous ne faisons que rêver éveillés les 53 autres restantes. Nous sommes de ce point de vue le majestueux sapin, immuable. Alors que la végétation se meurt pour mieux renaître nous persistons, insistons tristement, déracinés et souvent abattus. Quand la fin annonce le renouveau, nous ne voyons dans le commencement que l'entêtement dans la même direction. Une fois de plus nous nous mentons avec de belles résolutions qui ne sont en soi jamais des solutions mais plutôt des désillusions. N'en déplaise, l'heure est à la fête, habillons ce sapin de couleurs et de lumières et noyons notre misère dans un torrent de festins sous une pluie d'ivresse. A qui ment-on ? Aux enfants ou à nous-mêmes ? Nous ne mentons pas quand nous leur disons que le vieux barbu existe, nous nous mentons quand nous nous disons que nous n'y croyons pas, car nous voulons y croire et il n'y a pas de honte à ça. Croire est une bonne chose, viser un idéal est ce qui nous fait avancer. Ne pas assumer nous dispense de tout engagement et de toute responsabilité, c'est juste plus simple.

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