mercredi 29 juin 2011

L'éloge du chaos

Dans une société où tout est réglé et ordonné, dans des paysages fractionnés mathématiquement en parcelles précisément équitables, perdure un ensemble d'événements, d'idées, de comportements qui peuvent se regrouper sous un concept général que l'on appelle "chaos".
Ma définition du chaos est particulière. Elle oppose la nature véritable des choses à ce que l'homme en fait. Elle oppose l'aléatoire, le spontané, l'indéfini, le difforme, le morcelé à l'ordre, la linéarité, la composition, la régularité... Les physiciens, mathématiciens et autres scientifiques peuvent alors s'empresser de remarquer que les probabilités, les fractales ou les agencements octaédriques des molécules nous montrent un certain ordre dans la nature des choses. J'en conviens parfaitement mais ma réflexion ne se porte pas sur le nombre d'or. Considérons le chaos comme une opportunité, esthétique ou sociale !
Comme nous l'apprend très bien Tyler Durden, instigateur du projet chaos dans le film de David Fincher, à force de vouloir tout contrôler on passe à côté des choses essentielles, peut-être les plus primitives, mais celles qui nous touchent le plus.

Nous luttons jour après jour contre le chaos. Combien de fois nos parents nous ont-ils ordonné de ranger une chambre ô combien chaotique ? Quelles capacités faut-il pour réussir à tirer au crayon un trait parfaitement droit ? D'un côté nous tentons d'attendre ce que la pensée commune qualifie de perfection, d'un autre nous savons que les irrégularités témoignent d'une authenticité qui est gage d'une qualité intemporelle. Que dire face aux tomates trop parfaitement rondes et rouges qui poussent à toute heure du jour et de la nuit, quelle que soit la saison ? Que penser de ces blocs architecturaux qui délimitent nos banlieues ? Vous savez aussi bien que moi qu'une certaine part d'humanité, bien que tendant vers une certaine évolution, a besoin de cette part de chaos, d'authenticité.

Il nous faut du mouvement, de l'encombrement, du bruit. Il nous faut cette métaphore urbaine de la jungle primitive. Il nous faut des obstacles, de la rugosité où nous accrocher, des lianes pendantes pour nous déplacer, des rivières débordantes à franchir pour nous dépasser. L'homme malheureusement devient de plus en plus mauvaisement fainéant. Il trace des routes les plus rectilignes possibles pour gagner du temps en perdant de l'espace. Il nous faut de l'art brut, de la terre et de la poussière, des vieilles portes en bois qui vieillissent et qui travaillent en grinçant avec le soleil. Il nous faut des visages marqués, expressifs, n'ayant peur de montrer des rides. L'homme malheureusement est narcissique. Il ne voit que ses mannequins anorexiques et ses vieilles actrices dépassées botoxées jusqu'à la raie. Il nous faut l'improbable, l'inattendu, la surprise, l'espoir. Il nous faut cette part du hasard qui nous laisse encore croire qu'on peut en sortir... de ce chaos précisément !
Oui, qui peut me contredire quand j'affirme que nous sommes en plein dedans ? En sortirons-nous un jour ? Peut-être pour mieux y retomber ! Voyons les choses sous cet angle : l'ordre n'est qu'une combinaison de désordres et l'équilibre un passage d'un déséquilibre à un autre. Accepter le chaos est une manière d'accepter notre incapacité à maîtriser la nature. Accueillir le chaos en soi est une grande preuve d'humilité.

>>>LES CHRONIQUES DU CHAOS

1 commentaire:

  1. "il faut du chaos en soi pour accoucher d'une étoile qui danse" F. Nietzsche, Also sprach Zarathoustra

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